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Full text of "Observations importantes sur le rachat des dimes, a l'Assemblée nationale."

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O B SERVATION  S 

V 

IMPORTANTES 


SUR  LE  RACHAT  DES  DIMES  ; 

A L’ASSEMBLÉE  NATIONALE, 


M ESSIEUHS, 


La  fuppreftion  des  dîmes  décrétée,  & décrétée  après 
la  difcuffton  la  plus  ample,  l’on  croiroit  la  matière  épuifée  j 
l’en  croiroit  qu’il  ne  refte  plus  de  queftions  fur  leur  ori- 
gine , fur  leur  nature,  fur  leur  deftination,  ou  l’on  croi- 
roit  que  ces  queftions  ne  peuvent  être  que  des  queftions 
oifeufes,  des  réchauffés  faftidieux. 

Cependant  il  en  eft  encore  qui  n’ont  été  ni  prévues  , 
ni  réfolues , & qui  font  de  la  plus  haute  importance  j elles 
méritent  toute  l’attention  de  l’Affemblée  Nationale  j elles 
la  méritent  d’autant  plus , quelles  ont  pour  objet  de  pré- 
venir une  injuftice  qu’on  lui  propofe  de  commettre,  & 
ne  commettroit  fans  doute  qu’à  regret.  Je  m’ex- 


qu’elle 

plique. 


THE  NfWBEMMf 
UBRAIY  .Y 


A 


s 

Un  Membre,  diftingué  par  des  qualités  auxquelles  je 
rends  hommage  , M.  du  Pont , dans  un  difcours  fur  1 état 
6c  les  reffources  des  finances,  prononcé  à PAflemblée 
Nationale  le  14  feptembre  1789,  & imprimé  par  fes 
ordres,  a dit,  page  2 9,  « Le  remplacement  convenable 
» des  dîmes,  jufqu auquel  vous  avez  ordonné,  Meffieurs, 
y>  qu’elles  feroient  perçues  , cefl  leur  rachat  fur  le  pied 
■>>  du  capital  3 dont  la  vente  habituelle  des  terres  dans 

les  Provinces , indique  la  proportion  qui  eft  de  no- 
» toriété  publique  en  chaque  lieu. 

C’eft  le  rachat , fur  le  pied  du  capital , dont  la  vente 
habituelle  des  terres  indique  la  proportion  !... 

Il  n’y  a point  à en  douter , le  rachat  des  dîmes  fera 
fur  le  pied  du  denier  25  , 30,  35,  40,  fi  dans  les 
Provinces  la  vente  habituelle  des  terres  s’élève  à ce  prix. 

Je  vous  avouerai.  Meilleurs,  que  l’idée  que  me  pré- 
fente cette  première  alfertion , eft  une  idée  abfolument 
neuve  pour  moi 3 Sc  je  penfe  quelle  fera/  telle  pour  bien 
d’autres  : car  je  n’ai  jamais  cru  que  l’intention  de  l’Af- 
femblée  Nationale,  en  fupprimant  les  dîmes,  fût  d’en 
faire  payer  le  prix  aux  cultivateurs. 

J’ai  encore  moins  penfé  que  fon  intention  fût,  non- 
feulement  de  reprendre  d’une  main  le  bienfait  qu’elle 
répandoit  de  l’autre  , mais  encore  de  rendre  ce  bienfait 
onéreux,  en  impofant  à la  fuppreflion  des  dîmes,  une 
charge  du  tiers  plus  pefante  que  les  dîmes  mêmes , la 
charge  de  les  rembourfer  fur  le  pied  du  prix  que  fe  ven- 
dent habituellement  les  biens  dans  les  Provinces  , c’eft- 
à-dire,  fur  le  pied  du  denier  30  au  moins. 

Eh  ! Comment  l’aurois-je  penfé  ? comment  étoit-il 
même  pofftble  que  je  le  penfafte,  lorfque  j’étois  intime- 
ment perfuadé  que  toutes  les  vues  de  l’Affemblée  fe 
tournoient  au  foulagement  des  campagnes  ? elles  étoient 
déjà  réduites  à 1 impuiflance  de  fupporter  leurs  charges, 
ee  n’étoit  pas  pour  pn  prendre  de  nouvelles. 

M.  du  Pont  ajoute  : « C’eft  fur  ce  pied  3 Meffieurs  3 


3 

« & d’après  ces  principes , que  je  penfe  que  vous  dé- 
as  clarerez  les  dîmes  eccléjîajiiques  rachetables  comme 
55  vous  avez  déclaré  que  l’éroient  les  dîmes  inféodées 
35  qui  en  dérivent.  » 

Les  dîmes  inféodées  dérivent  dès  dîmes  eccléfiaftiques  ! 
cela  eft  bientôt  dit,  mais  cela  n’eft  point  fi  facile  à 
prouver  j aulîi  M.  du  Pont  n’entreprend- il  point  de  faire 
cette  preuve j il  fe  contente  de  l’allertion  qu’il  transforme 
en  principe. 

Me  feroit-il  permis  de  lui  demander  comment,  fi  la 
dîme  inféodée  dérive  de  la  dîme  eccléfiaftique , comment 
cette  première  dîme , en  palfant  dans  la  main  laïque  , 
a pu  changer  de  nature  ? comment  elle  a pu  devenir 
fief?  comment,  en  qualité  de  fief,  elle  eft  fujette  au 
report?  comment  elle  eft  fujette  au  dénombrement? 
comment  enfin  elle  eft  le  droit  feigneurial , & exclufive 
de  tous  autres  droits  feigneuriaux  quelconque  ? 

L’honorable  Membre  ajoute  encore , « qu’il  n’y  a 
55  aucune  raifon,  pour  que  les  une?  (les  dîmes  inféodées) 
55  foient  rachetées,  «Se  que  les  autres  (les  dîmes  ecclé- 
*3  fiaftiques  ) ne  le  foient  pas.  35 

Cela  eft  vrai  dans  fon  hypothèfe.  Si  les  dîmes  inféo- 
dées font  de  même  nature  que  les  eccléfiaftiques,  le  ra- 
chat des  premières  entraîne  néceflairement  le  rachat  des 
fécondés  ; ou  il  y a parité  de  raifons , il  doit  y avoir 
parité  de  conféquences  ; mais  fi  l’hypothèfe  eft  faillie  , 
comme  on  fe  propofe  de  le  démontrer,  les  confequences 
que  l’honorable  Membre  en  tire  font  des  conféquences 
ruineufes,  qui  tomberont  avec  l’hypothèfe. 

Enfin , M.  du  Pont  termine  en  difant , ce  vous  devez 
53  feulement,  Meilleurs,  pour  les  unes  & pour  les  autres, 
33  réferver  aux  cultivateurs  leurs  pailles , en  faifant  régler 
33  par  les  Municipalités , & par  les  Âftemblées  de  Dé- 
33  partement , d’après  le  produit  ordinaire  de  chaque 
33  canton , combien  de  bordeaux  de  bled  devront  être 
s?  donnés  pour  le  cent  de  gerbes,  ^ 


Ici  fe  manifefte  Tans  doute  la  putete  des  intentions  de 
I honorable  Membre.  Il  fait  que  la  terre  n’eft  poinr  iné- 
puifable  • il  veut  que  1 on  répare  fes  pertes  , en  lui  ren- 
dant, par  les  engrais,  l’équivalant  de  ce  que  l’on  a tiré 
de  fon  fein. 

Mais,  ce  n eft  point  allez  que  des  intentions  foient 
pures  , il  faut  qu’elles  foient  juftes.  Seroif-il  jufte  que 
ce  pi ix  des  pailles  provenantes  de  la  dîme  inféodée,  fût 
ravi  au  feigneur,  li  la  dîme  inféodée  eft  fon  patrimoine, 
fi  c eft. fon  bien,  lî  c’eft  fa  chofe  ? 

Seroit-il  j ufte  que  ce  même  prix  des  pailles,  fût  en- 
levé a 1 eccléfiaftique , pofteffeur  de  la  dîme,  fi  ce  prix 
ne  lui  appartient  pas  moins  que  le  grain  ? 

Seroit-il  jufte  enfin  que  le  cultivateur  fût  obligé  de 
payer  a 1 Etat  ^une  quotité  de  grain  quelconque , pour 
raifon  de  la  dîme,  fi  le  grain  n’appartient  pas  plus  à 
Etat  que  les  pailles , fi  la  dîme  n’eft  point  légitimement 

Auffitot  fe  préfçntent  les  queftions  qui  fuivent  : i®.  la 
dîme  inféodée  eft-élle  de  même  nature  que  la  dîme  ecclé- 
fiaftique  P lune  deriye-t-elle  de  1 autre  ? ont-elles  toutes 
deux  la  même  origine  ? 

i°.  La  dîme  eccléfiaftique  eft-elle  de  droit  divin; 
comme  l’ont  déclaré  les  anciens  Conciles  ; comme  on  v 
l’a  cru  pendant  nombre  de  fiècles  ? 

3°.  Eft-elle  de  droit  pofitif,  comme  on  le  croit  de- 
puis 200  ans  , &■  comme  l’a  déclaré  la  Jurifprudence 
Françoife  ? r 

4°.  Si  elle  eft  de  droit  divin,  comment  a-t-elle  pu 
fe  transformer  en  droit  pofitif?  r 

5 . Si  elle  eft  de  droit  pofitif,  comment  les  anciens 
Conciles  ont-ils  pu  la  déclarer  de  droit  divin  ? 

L’on  fent  combien  il  importe  à l’Etat  d’avoir  une  fo- 
lution  nette  de  ces  queftions , foit  pour  repoulfer  les  cris 
que  la  main-morte  fait  retentir  dans  le  public , foit  pour 
donner  une  application  jufte  à la  loi  que  s’eft  faite  l’Af- 


femblée  Nationale  , de  pourvoir  à la  fubfiftance  des 
Mini  lires  des  autels  & à l’entretien  du  culte. 

Il  eft  fans  contredit  que  fi  la  dîme  eft  de  droit  divin, 
il  n’étoit  pas  au  pouvoir  de  l’Aftemblée  Nationale  d’en 
décréter  la  fuppreftîon  , parce  qu’il  n’eft  point  au  pou- 
voir de  l’Aiïerhblée  Nationale  de  fubftituec  fa  volonté 
& fa  loi  à la  volonté  & à la  loi  de  l’Etre  fuprême. 

Si  la  dîme  n’eft  pas  de  droit  divin,  fi  elle  eft  au  con- 
traire de  droit  pofitif,  comme  perfonne  n’en  doute  au- 
jourd’hui, comme  le  Clergé  lui -même  en  convient, 
comment  concilier  ce  dernier  aveu , cette  dernière  re- 
connoifiance  avec  le  refpeél  dû  aux  décidons  des  Conciles? 
Cette  idée  familière,  que  l’Efprit  Saint  préfide  aux  Con- 
ciles, qu’il  en  dicfte  les  oracles,  que  les  Pères  de  l’Eglife 
ne  font  que  fes  organes  ; cette  idée  feroit-elle  donc  fatifte  ? 
nous  ferions-nous  trompé  ? ou  nous  auroit-on  trompé? 

Je  ne  ferai  pas  aftez  téméraire  pour  hafarder  une  af- 
fertiqn  dont  les  conféquences  m’épouvantent  j elles  m’épou- 
vantent d’autant  plus,  qu’il  n’y  a que  deux  jours  que  les 
Miniftres  des  autels  difoient  au  milieu  de  ce  Sénat  au- 
gufte , ce quftls  ont  écrit  depuis,  qu’en  attaquant  les  dîmes 
c’étoit  attaquer  la  Religion  même  j que  c’étoit  en  pro- 
voquer la  fubverfion , la  fapper  par  les  fondemens. 

Vous  fentez  , Meilleurs,  la  liaifon  de  ces  plaintes  avec 
les  décidons  des  Conciles.  Il  eft  de  toute  vérité  qu’atta- 
quer les  dédiions  des  Conciles , c’eft  attaquer  la  Religion. 

Si  donc  les  Conciles  ont  décidé , comme  il  n’eft  que 
trop  vrai  qu’ils  l’ont  lait,  que  la  dîme  eft  de  droit  divin, 
la  conféquence  eft  inévitable  \ la  fuppreffion  de  la  dîme 
tend  au  renverfement  de  la  Religion. 

Mais  dans  ce  cas , comment  concilier  le  Clergé  avec 
lui-même  ? Si  la  dîme  eft  de  droit  divin  , comme  l’ont 
déclaré  les  Conciles,  pourquoi  le  .Clergé  convient- il 
qu’elle  eft  de  droit  pofitif? (Par  cet  aveu,  par  cette  re- 
connoiffiance , c’eft  lui-même  qui  attaque  les  Conciles , 
qui  attaque  la  Religion  , qui  lui  porte  les  coups  les  plus 
dangereux.  A 3 


SI  la  dîme  eft  de  droit  pofitif,  comme  en  convient  îe 
Clergé,  la  füpprefîion  de  cette  dîme  n’attaque  pas  la 
Religion , parce  que  la  Religion  eft  étrangère  à un  droit 
pofitif.  Mais  que.  deviendront  les  Conciles?  que  devien- 
dront leurs  décidons? 

Ce  n’eft  point  tout , & nous  ne  fommes  point  hors 
d’embarras. 

Si  les  dî  mes  ne  font  pas  de  droit  divin,  quoique  les 
anciens  Conciles  les  aient  déclarées  telles,  il  eft  évident 
quelles  ne  peuvent  être  de  droit  pofitif;  car  fi  elles 
ave  lent  été  de  droit  polit  if  lors  des  premiers  Conciles , 
ces  premiers  Conciles  n’en  auroient  point  tenté  l’établif- 
fernent , fous  prétexte  qu’elles  étoient  de  droit  divin.  Un 
Concile  ne  fe  compromet  point  gratuitement  par  un  men- 
folige  qu’il  auroit  été  fi  facile  de  relever. 

Les  premiers  Conciles  ont  tenté  l’établiftement  des 
dîmes,  fous  prétexte  qu’elles  étoient  de  droit  divin. 

Llles  n’exiftoient  donc  point  avant  la  tentativè , ni  au 
temps  même  de  la  tentative. 

Si  cette  tentative  eût  réaffi.  d’abord,  des  loix  pofitives 
auroient  été  inutiles  fubféquemment. 

H exifte  des  Loix  pofitives  fubféquentes  à la  tenta- 
tive ; ce  font  ces  fameüfes  loix  de  Charlemagne , dont 
le  Clergé  nous  a rappellé  fi  fouvent  les  difpofitions,  & 
dont  il  a argumenté  avec  tant  de  complaifance  & tant 
d’emphafe. 

Mais  le  Clergé  n’a  point  fait  attention  que  ces  loix 
pofitives  fubféquentes  ne  font  relatives  qu’aux  décifions 
des  Conciles  précédens  ; qu’elles  n’ont  pour  objet  que 
d’en  ordonner  l’exécution  , en  ce  qui  concerne  le  paye- 
ment de  la  dîme , fuppofée  de  droit  divin. 

Une  loi  qui  ordonne  l’exécution  d’une  autre  loi  n’eft 
point  une  loi  originale , c’eft  une  loi  conféquente. 

Si  la  première  loi  n’exifte  pas,  la  fécondé  qui  en  or- 
donne l’exécution  3 ordonne  l’exécution  d’un  être  de  rai- 
fon  ; cela  eft  clair. 


11  eft  donc  vrai  de  dire  que  fi  les  dîmès  fie  font  point 
de  droit  divin , comme  l’ont  déclaré  les  Conciles , elles 
ne  font  pas  & ne  peuvent  être  de  droit  pofitif , puifque 
Charlemagne  qui  en  a ordonné  le  payement , ne  la  or- 
donné que  conféquemment  à la  décifton  des  Conciles  pré- 
cédens,  & fur  la  foi  qu’elles  étoient  de  droit  divin. 

Mais  fi  les  dîmes  ne  font  pas  de  droit  divin  , fl  elles 
ne  font  pas  également  de  droit  pofitif , que  font-elles 
donc  ? d’où  viennent-elles  ? quelle  en  eft  l’origine  ? Hélas  ! 
nous  héfitons  à le  dire. 

Que  font-elles  ? le  fruit  de  la  fraude.  D’où  viennent- 
elles  ? de  la  fraude.  Quelle  en  eft  l’origine  ? la  fraude. 

Voilà  ce  que  vous  n’avez  point  encore  entendu , Mef- 
fieurs,  quoique  la  matière  ait  été  bien  difcutée.  Vous 
ne  l’avez  point  encore  entendu , pourquoi  ? parce  que  le 
Clergé  qui  connoît  fans  doute  le  vice  d’origine,  n’a  point 
cru  devoir  remonter  au-delà  des  loix  de  Charlemagne, 

& que  fes  antagoniftes , fe  bornant  aux  ufages  reçus, 
ne  fe  font  point  donné  la  peine  daller  jufqua  la  fource. 

Nous  n’imiterons  l’exemple,  ni  desuns,  ni  des  autres. 
Le  flambeau  de  la  raifon  à la  main  , nous  pénétrerons 
dans  ce  Dédale  obfcur , qui  recèle  cette  fraude  ; nous  l’en 
ferons  fortir  pour  la  mettre  au  grand  jour.  La  foi-  due  \ 
aux  Conciles  y perdra  quelque  chofe  ; mais  la  vérité , 
trop  long-temps  captive , y gagnera  beaucoup. 

PREMIÈRE  QUESTION. 

{ ■■  • ' V : -r  • • ' , 

Les  dîmes  inféodées  font-elles  de  même  nature  que  les 
dîmes  e celé  fi afii  ques  ? les  unes  dérivent?- elles  des 
autres  ? ont- elles  la  même  origine  ? 

r;  . < \ v Y 

Pour  que  les  dîmes  inféodées  puflent  etre  de  même 
nature  que  les  dîmes  eccléfiaftiques , il  faudrait  qu  e:  les 
euflent  une  même  origine  j il  faudrait  qu  elles  enflent  été 

A 4 


connues,  qu  elles  eufient  exifté  en  même  temps.  Il  fau- 
drait qu’elles  eufient  eu  la  même  deftination . dans  le 
principe.  Rien  de  tout  cela  n’eft  vrai. 

Les  dîmes  que  nous  appelions  inféodées,  étoient  con- 
nues dès  le  commencement  de  notre  Monarchie,  fous  le 
titre  cle  decimæ  dominicæ , dîmes  domaniales  dîmes 
feigneuriales. 

Elles  tiraient  leur  origine  des  Romains , qui  les  per- 
cevoient  dans  les  Gaules  fur  les  Provinces  conquifes. 

Les  Francs  ont  continué  de  les  percevoir  après  l’ex- 
pulfion  de  ces  premiers  ufurpateurs. 

Elles  étoient  communément  le  prix  des  concédions  que 
les  feigneurs  faifeient  de  leurs  domaines. 

Elles  confiftoient  dans  le  droit  de  prendre  fur  ces  do- 
maines une  certaine  quantité  de  fruits,  qui  alloient  com- 
munément au  dixième } c’eft  de  là  qu’elles  ont  emprunté 
léurs  noms. 


Lorfque  les  concédions  étoientfaites  à d’autres  charges, 
plus  ou  moins  onéreufes,  les  redevances  prenoient  une 
autre  dénomination , telle  que  celle  de  champart , tâche , 
terrage,  agrier,  noues,  cens,  &c. 

Ces  concellions  n’étoient  point  de  véritables  ventes, 
mais  des  baux  qui  tranfportoient  aux  cedîonnaires  une 
propriété  conditionnelle,  & les  attachoient  au  feigneur 
pour  tout  le  temps  qu’ils  acquitteraient  la  redevance. 
Nos  cenfitaires , jufqu  a ce  jour,  n’ont  point  été  ôc  ne 
font  point  encore  autre  chofe. 

V oiîà  d’où  viennent  ces  dîmes  inféodées  , fi  connues 
dans  le  Royaume,  & toujours  fi  enviées  par  la  main- 
. morte  eccléfiaftique. 

La  preuve  que  l’on  n’avance  rien  ici  qui  ne  foit  exaét , 
fe  tire  des  loix  romaines.  Elles  mettent  ces  dîmes  au 
nombre  des  revenus  de  l’Etat } elles  en  ordonnent  la  per- 
ception dans  les  Provinces  • elles  en  déterminent  les 
quotités  ’ & nulle  part  il  n’efl:  fait  mention  qu’elles  appar- 
timTent  à l’Eglife,  ou  qu’il  lui  en  fût  dû  de  pareilles. 


/ 


9 

Ï1  eft  vrai  que  quelques  Auteurs  mal  infttuits,  ou  dont 
la  plume  étoir  vendue  au  Clergé,  ont  prétendu  que  les 
dîmes  inféodées  étoient  d’anciennes  dîmes  eccléfiaftiques  » 
ufurpées  par  les  feigneurs  ou  acquifes  de  la  main-morte. 

Mais-  l’erreur  eft  évidente  j la  dîme  inféodée  ne  change 
point  de  nature  , dans  telles  mains  qu  elle  piiifle  palier  * 
elle  conferve  toujours  fa  qualité  de  dîme  feigneuriale  } 
toujours  elle  eft  repréfentative  du  cens  j toujours  elle  eft 
exclusive  de  tout  autre  cens , Sc  de  k dîme  eccléfiaftique 
même  ^ toujours  elle  refte  foumife  a la  loi  féodale. 

De  même  la  dîme  eccléfiaftique  conferve  fa  nature  , 
en  paftant  dans  la  main  laïque , par  1 effet  d une  alié- 
nation quelconque.  Jamais  elle  ne  peut  devenir  feigneu- 
riale j jamais  elle  n’eft  répréfentative  du  cens  • jamais 
elle  n’eft  exclu five  de  ce  même  cens  j jamais  elle  ne  peut 
concourir  avec  la  dîme  inféodée  j jamais  elle  ne  refte 
foumife  à la  loi  féodale. 

Ces  deux  dîmes  corçfervent  leur  nature , parce  que  l’on 
ne  peut  jamais  changer  la  nature  des  chofes. 

L’une,  confidérée  comme  fief,  fe  reporte  au  Seigneur 
fuzerain. 

L’autre  ne  fe  reporte  à perfonne. 

Tous  ces  catadères  diftindifs  ne  font -ils  point  feuls 
plus  que  fuffifans , pour  faire  connoître  que  la  dîme  in- 
féodée n’a  et  ne  peut  avoir  aucune  analogie  , aucun  rap- 
port avec  la  dîme  eccléfiaftique.  La  fécondé  queftionque 
nous  allons  traiter  portera  encore  cette  démonftration 
à un  nouveau  degré  d’évidence, 


10 


SECONDE  QUESTION. 

La  dîme  e^c7ejiajlique  efi-elle  de  droit  divin , comme 
l ont  déclaré  les  anciens  Conciles  ; comme  on  Fa  cru 
fendant  nombre  de  fiicles  ? 

> 

, ^ette  queftion  , qui  n’en  fait  plus  une  aujourd’hui , 
îi  en  mente  pas  moins  que  nous  lapprofondiflïonsfcra- 
puleuiement. 

Elle  le  mérité  d autant  plus  , qu’en  découvrant  les 
ources  de  la  fraude,  nous  en  ferons  fortir  les  principes 

’ ^qui  doivent  fervir  de  base  au  jugement  de 
1 Àiîemblee  Nationale. 

La  dîme  que  les  anciens  Conciles  ont  déclarée  de  droit 
TV1!E?  vr  F°rnt  été  connue  dans  les  premiers  fiècles 
A Ehghle.  Jéfus-Chrift  n’en  avoit  point  parlé  ; il  n’avoit 
prêché  que  la  pauvreté  et  l’abdénégation  des  richelfes  * 

il  etoit  né  pauvre,  il  avoir  vécu  pauvre,  et  étoit  mort 
pauvre. 

Les  Apôtres  ont  fmvi  Ion  exemple  * ils  vi voient  du 
travail  de  leurs  mains  , et  des  aumônes  des  fidèles. 

Le  furplus  de  ces  aumônes  fe  repandoit  dans  le  fein 
de  l’indigence. 

. ■P,e.s  p>1aP';Lirs  qui  leur  ont  fuccédé  , ont  vécu  comme  eux  ; 
jamais  il  n a été  queftion  de  dîmes. 

Il  n en  avoir  pas  même  encore  été  queftion  au  temps 
de  Saint  Cypnen , qui  vivoit  dans  le  troifième  fiècle. 
E eft  ce  que  nous  attelle  ce  Père  de  l’Eglife  , dans  une 
epitre  (i)  où il  préfente  les  moeurs  de  fon  temps. 

Après  avoir  dit  que  « le^  Miniftres  alors  ne  vivoient 
w que  du  travail  de  leurs  mains  et  des  aumônes  des 


(0  lib.  ad  cler.  & pleb.  furnit. 


î I 

s5  fidèles,  fuivant  le  précepte  de  Jéfus- Chrift  , et  l’e- 
„ xemple  des  Apôtres  » , il  compare  les  aumônes  de  fon 
fiècle , aux  dîmes  qui  fiaifioient  fiubfifier  les  Lévites  dans 

V ancienne  Loi . _ . 

Saint  Cyprien  ne  fera  point  fans  doute  réeufe  par  le 
Clergé.  Il  compare  les  aumônes  aux  dîmes  qui  faifoient 
fubfifter  les  Lévites  dans  l’ancienne  Loi. 

L ufage  de  payer  la  dîme-  aux  Miniftres  des  autels  , 
nétoit  donc  point  encore  introduit  ; car  fi  cet  ufage  eût 
été  introduit , la  comparaifon  auroit  été  fans  objet. 

Une  fécondé  conféquence  fe  tire  du  même  témoi- 
gnage, c’eft  que  l’Eglife  naifiante  navoit  point  cru  qu’il 
lui  fût  permis  d’emprunter  de  1 ancienne  Loi  1 ufage  de 
la  dîme  , pour  faire  fubfifter  fes  Miniftres , puifque  ces 
Miniftres  vivoient  du  travail  de  leurs  mains,  et  des  au- 
mônes des  fidèles , qu  ils  partageoient  avec  les  pauvres. 

Saint  Auguftin  qui  vivoit  dans  le  quatrierqe  fiecle  , 
et  qui  eft  mort  dans  le  cinquième  , confirme  , par  fon 
Epitre  85,  ce  quavoit  attefté  Saint  Cyprien  j « Les  Ec - 
w cléfiafiiques  , dit-il  ne  vivent  que  des  aumônes  & des 
„ offrandes  des  fidèles.  V Eglise  chrétienne  ne  con- 

3,  NOIT  POINT  LES  DÎMES  ‘ LE  COMMANDEMENT  DE 
33  ZES  PAYER  NE  REGARDOIT  QUE  LES  JUIES 

Aulîî  ne  trouve- 1- on  point  un  mot  qui  ait  trait  aux 
dîmes,  dans  le  détail  des  privilèges  & des  exemptions  que 
Conftantin  accorda  à l’Eglife.  Cependant  il  la  combla  de 
biens , 8c  les  dîmes  domaniales  fubfiftoient. 

Autre  preuve  que  ces  dîmes  font  bien  plus  anciennes 
que  les  dîmes  eccléfiaftiques,  dont  011  a voulu  depuis 
quelles  tiraftent  leur  origine.  . 

Les  grands  biens  que  Conftantin  donna  a 1 ioglife , 
commencèrent  fa  perte.  Ses  Miniftres  amolis  par  1 aifance 
négligèrent  le  foin  des  pauvres , et  les  aumônes  fe 

refroidirent.  _ ■ , . 

Ce  refroidiftement  fit  naître  l’idée  d’introduire  a leur 


/O 


place  la  dîme»  telle  quelle  fepayoit  aux  Lévites  dans 

I ancienne  Loi. 

De  1 idée  a 1 exécution  , il  ne  pouvoir  y avoir  loin  . 
,?ns  des  barbares  , dans  des  fiècles  d’ignorance  & 

d erreur.  Le  Clergé  favoitfeul  lire  & écrire.  Les  fraudes 
etoient  en  fa  difpohtion. 

Bientôt  l’on  fuppofe  un  fermon  du  même  Saint  Au- 
guitm  dont  nous  venons  de  parler  (le  fermon  aïo), 
on  lui  raifoit  dire  : « Décima  ex  débita  requiruntur : qui 
w eas  dare  noluerit  res  aliénas  invafit. 

” ^s  dîmes  font  une  dette  légitime  ; celui  qui  refufe  de 
” les  payer  retient  le  bien  d'autrui.  „ 

Les  termes  étoient  équivoques;  on  pouvoir  au ffi  bien 
les  appliquer  a la  dîme  domaniale , qwf  fubfiftoit  , qu’à 
la  dîme  nouvelle,  que  l’on  vouloit  introduire  : c’étoit 

un  moyen  de  ménager  l’honneur  du  Saint,  en  cas  de 
rehltance. 

Cette  fraude  que  l’on  appelloit  pieufe  dans  le  temps , 
&que  Ion  nompieroit  autrement  aujourd’hui.  Cette  fraude 
lut  enluite  appuyée  du  précepte  de  l’Evangile.  Le  Sau- 
veur  avoir  confedlé  l’aumône.  La  cupidité  ht  une  loi  du 
due  61  ' LeS  Mimftres  P^tenciirent  que  la  dîme  leur  étoit 

Les  peuples , comme  on  peut  le  penfer  , fe  foulevèrent 
contre  cette  prétention  nouvelle  ; mais  pour  vaincre  leur 
re  îltance  , l on  joignit  à la  première  fuppofuion  celle  d'une 
cure  de  funt  Jerome  au  Pape  Damafe  , dans  laquelle 
on  falloir  enfeigner  par  cet  autre  Père  du  quatrième 
S . P la  mJlPe  doélnne  que  l’on  difoit  avoir  été  en- 
ngnec  par^  Saint  Àuguftin  ; c eft  ce  que  prouve  le  canon 

A*r ratien  d°nt  °n  Parlera  dans  un  inftant. 

, , !»  ul^bermon  fuppofé  de  Saint  Auguftm,  une  lettre 

egalement  fuppofée  de  Saint  Jérôme,  voilà  les  premières 
bas  es  fur  lesquelles  pofe  la  dîme  eccléhaftiques. 

II  n en  fa  loitpomt  tant  , pour  déterminer  la  décifion 
du  Concile  de  1 ours,  tenu  en  5 6,7 , et  la  lettre  circu- 

\ ■ .1  ' - . • j 


laïre  écrite  en  conféquence  par  les  Evêques  qui  y âvoiént 
aflîfté.  On  y parle  de  la  dîme  que  payôit  Abraham  au 
feigneur  ; on  y parle  du  précepte  de  Jéfus-Chrift , qui 
commande  l’aumône  • on  y parle  des  effets  de  cette  au- 
mône, & du  rachat  des  péchés  : on  finit  par  dire  ce  que 
” ceux  qui  veulent  être  placés  dans  le  fein  dé Abraham  , 
JJ  ne  peuvent  fe  difpenfer  de  payer  la  dîme. 

Remarquons  que  la  décifion  de  ce  Concile,  ne  pré- 
fente encore  qu’un  confeiî. 

Remarquons  que  ce  confeil  n’eft  appuyé  que  fur  rexem* 
pie  d’Abraham,  & non  fur  la  loi  du  Lévitique.  Remar- 
quons que  ce  même  confeil  n’eft  encore  appuyé  que  fur 
le  précepte  de  Jéfus-Chrift  , qui  commande  l’aumône. 

Remarquons  enfin  que  le  confeil  de  payer  la  dîme 
n’auroit  point  été  donné  ; qu’il  n’auroit  point  été  donné 
a ceux  qui  vouloient  être  placés  dans  le  fein  d’Abraham  ; 
qu’il  n’auroit  point  été  appuyé  de  l’exemple  de  Jéfus- 
Chrift  , fi  l’ufage  de  payer  la  dîme  eût  été  confiant  alors. 

Le  confeil  n’eft  donc  donné  en  5 6j  , que  parce  qu’à 
cette  époque  l’ufage  de  payer  la  dîme  n’étoit  point  en- 
core établi. 

Mais  pourquoi  les  Saints  Evêques  qui  ont  afiifté  à ce 
Concile , au  lieu  de  parler  de  l’exemple  d’Abraham  & 
du  précepte  de  Jéfus-Chrift,  n’ont-ils  point  parlé  de  la 
loi  du  Lévitique , qui  ordonnoit  exprefiement  de  payer 
la  dîme  ? Ignoroient-ils  cette  loi  qui  fe  trouve  répétée  en 
deux  endroits  différens  ? Non  , c’eft  au  contraire  parce 
qu’ils  ne  l’ignoroient  pas  qu’ils  n’en  ont  point  parlé  • & 
la  raifon  en  eft  fimple.  Malheureufement  cette  loi  qui 
ordonne  le  payement  de  la  dîme  aux  Lévites,  défend 
aux  Lévites  de  pojféder  aucuns  autres  biens  quelconque. 
Nihil  aliud  pojjidebitis  ; & les  Saints  Pères  du  Concile 
ont  mieux  aimé  renoncer  à cette  loi  que  de  renoncer 
aux  biens  immenfes  qu’ils  poftedoient  déjà.  — 

Le  Concile  de  Tours  eft  le  premier  pas  fait  vers  la 
dime  ; il  fe  réduit  au  confeil,  mais  celui  tenu  à Mâcon 


U 

en  5 8 5 j dix-huit  ans  après , fut  plus  entreprenant.  Il 
parle  du  précepte  de  payer  la  dîme,  comme  d’un  pré- 
cepte fort  ancien  3 il  en  ordonne  le  payement , fous  peine 
d'excommunication  3 & M.  Fleury  ( Hiftoire  Eccîéliaf- 
tique,  liv.  34,  n°.  50)  obferve  judicieufement  que  cette 
excommunication  ejl  la  première  loi  pénale  relative  aux 
dîmes. 

Quel  étoit  ce  précepte  fort  ancien  de  payer  la  dîme? 
les  Pères  du  Concile  ne  le  difent  pas  ; & nous  n’avons 
peint  le  droit  d’interroger  le  Saint  Efprit. 

Mais  li  nous  avons  le  droit  de  raifonner  d’après  les  faits,' 
ce  précepte  fort  ancien  difparoîtra,  pour  ne  laiffer  à fa 
place  qu’une  nouvelle  fuppolition  3 car  ce  n’étoit  point 
de  la  loi  judaïque  dont  les  Pères  entendoient  parler, 
puifque  cette  loi  condamnoit  leurs  pofîellîons. 

D’ailleurs,  cette  loi  ancienne  étoit  abrogée  par  la 
nouvelle , & les  Pères  du  Concile  auroient  rougi  de  fe 
modeler  fur  les  Juifs. 

D’un  autre  coté , la  loi  nouvelle  ne  renfermoit  aucun 
précepte  relatif  aux  dîmes  3 elle  n’en  ordonnoit  point  la 
preftation  3 on  ne  l’avoit  point  payée  dans  les  premiers 
ïièçles  3 on  ne  la  payoit  point  encore. 

Il  ne  reftoit  que  le  fermon  attribué  à Saint  Auguftin,' 
8c  la  lettre  attribuée  à Saint  Jérôme. 

Indépendamment  de  ce  que  ces  aétes  étoient  faux, 
comme  on  le  démontrera  par  la  fuite,  le  fermon  & la 
lettre  ne  formoient  point  des  préceptes  3 ce  n’étoient  que 
des  avertiffemens , des  confeils. 

Il  eft  donc  impoffible  de  fe  refufer  à cette  évidence, 
que  le  précepte  fort  ancien , . dont  parle  le  Concile  de 
Mâcon , n’a  de  réalité  que  celle  qu’on  lui  prête. 

Quoique  ce  Concile  eût  employé  les  armes  Ipirituelles  ^ 
quoiqu’il  eût  lancé  les  foudres  de  l’excommunication 
contre  les  réfraéfaires  au  payement  de  la  dîme,  il  ne  pa- 
raît pas,  que  ni  les  feigneurs,  ni  les  peuples,  fe  foient 
fort  empreffés  de  fe  foumettre.  C’eft  ce  que  prouve  un 


capitulaire  du  R.oi  Clotaire , que  nous  a confervé  Baluze  ; 
en  fon  recueil,  tom.  i , pag.  33  6.  Il  porte  : « Agraria , 
» pafcuaria , vel  décimas  porc  or  uni , ecclefiœ  , pro  fidei 

notrœ  devotione  concedimusjta  ut  acîorvd  decimator 3 
« in  rebus  ecclejîœ  nullus  aceedat. 

» Nous  remettons  à l’Eglife  les  dîmes  qu’elle  nous 
» devoir  pour  fes  domaines,  pour  fes  pâturages  & pour 
» fes  porcs , & nous  défendons  à nos  fermiers  & â nos 
» dîmeurs  de  les  exiger,  fur  tout  ce  qui  lui  appartient. 

Cette  loi,  à laquelle  on  n’a  peut-être  point  donné 
toute  l’attention  quelle  mérite,  cette  loi  prouve  évidem- 
ment, i°.  que  du  temps  de  Clotaire,  il  exiftoit  des 
dîmes,  autres  que  celles  que  l’Eglife  prétendoit  lui  être 
dues. 

Or  , quelles  pouvoient  être  ces  dîmes  auxquelles 
l’Eglife  elle-même  étoit  affujettie , fi  ce  n’étoient  des 
dîmes  domaniales,  des  dîmes  feigneuriales,  des  dîmes 
inféodées  ? 

20.  La  même  loi  prouve  que  l’Eglife  payoit  ces  dîmes; 
Dans  quel  temps?  dans  le  temps  même  qu’elle  faifoit 
déclarer  par  le  Concile  de  Mâcon  , qu’elle  avoir  droit 
de  les  exiger,  fuivant  un  précepte  fort  ancien;  dans  le 
temps  qu’elle  en  faifoit  ordonner  le  payement  à fon  profit  , 
fous  peine  d’excommunication. 

L’on  ne  peut  qu’être  indigné  d’une  pareille  manœuvre  ; 
car  il  ne  tombe  point  fous  le  fens , qu’un  Roi , par  un. 
monument  public.,  eût  remis  à l’Eglife  des  prestations 
qu’il  n’auroit  point  eu  droit  d’exiger, 
i II  remettoit  à l’Eglife  les  dîmes  pour  fatisfaire  fa  dé- 
votion ; il  en  affranchilfoit  les  domaines , les  pâturages 
de  l’Eglife.  Les  dîmes  appartenoient  donc  à ce  Prince  ? 
elles  lui  appartenoient  donc  encore  dans  le  fixième  fîêcle  ? 
l’Eglife  les  payoit  donc  encore  dans  ce  même  fîêcle,  fur 
fes  domaines , fur  fes  pâturages. 

Cela  eft  d’une  évidence  qui  faute  aux  yeux,  & cette 
évidence  eft  en  même  temps  la  démonftration  de  la  fraude. 


s 


) 


dont  nous  avons  été  les  vidâmes  pendant  près  de  douze 

liècles.  . 

Les  domaines  |de  l’Eglife  affranchis  par  Clotaire  du 

payement  de  la  dîme , Ion  peut  préfumer  que  plufieurs 
feigneurs  ont  fuivi  fon . exemple. 

Dès-lors  il  ne  reftoit  plus  qu’un  pas  à faire  , pour  con- 
vertir le  paffif  en  aétif.  Si  la  dîme  etoit  de  droit  divin , 
comme  l’on  fuppofoit  que  1 avoit  déclare  Saint  Auguftin , 
comme  l’on  fuppofoit  que  f avoit  déclaré  Saint  Jérome  , 
comme  l’avoit  déclaré  le  Concile  de  Tours  , comme  lavoit 
déclaré  le  Concile  de  Mâcon  , comme  paroiffioient  le  re- 
connoître  le  Souverain  ôc  les  Seigneurs , ce  n étoit  point 
allez  que  les  domaines  de  l’Eglife  fuffent  affranchis  ; il 
falloir  encore  que  les  domaines  du  Souverain,  des _ Sei- 
gneurs & des  particuliers  la  duffent , paice  que  ni  les 
uns , ni  les  autres , ne  pouvoient  fe  fouftraire  a ce  qui 

étoit  de  droit  divin.  7 

Cependant  l’on  ne  voit  pas  que  ce  changement  du 
paffif  en  adif,  fe  foit  opéré  bien  volontairement-  & certes 
cela  n’ étoit  guères  poflible  } car  il  devoit  paraître  dur 
aux  Seigneurs,  à qui  l’on  avoit  paye  la  dîme  jufqu alors, 
d’être  obligés  de  la  payer  à leur  tour. 

Il  ne  devoit  pas  paraître  moins  dur  aux  particuliers 
qui  n’avoient  jamais  payé  qu’un  cens  , qu  un  champart, 
d’être  obligés  d’y  joindre  le  paiement  de  la  dîme. 

Auffi  la  réfi  fiance  des  Seigneurs  et  des  peuples  à cette 
innovation,  femble-t-  elle  prouvée  par  un  Capitulaire  de 
Charlemagne  de  l’an  779. 

Ce  Capitulaire  ordonne  le  paiement  de  la  dîme  a 
l’Eglife. 

Donc  la  dîme  ne  fe  payoit  point  à l’Eglife , ou  du 
moins  ne  fe  payoit  pas  communément , car  il  n’efl  point 
dans  l’ordre  des  chofes  que  l’on  falfe  une  loi , pour  com- 
mander ce  qui  s’exécute  volontairement. 

Charlemagne  étoit  de  fon  temps  ce  que  fut  depuis 
Louis  XIV.  Avec  une  am e grande  ? beaucoup  d’élévation 

dans 


i7 

dans  Fefpric,  une  paflîon  démefuree pour  la  gloire, un  ca- 
ractère impérieux  , il  avoir  des  foiblefïes. 

Louis  XIV  fut  dévot  j Charlemagne  voulut  être 
Saint. 

Le  Clergé  fçut  tirer  parti  de  cette  dernière  difpofïtion, 
non-feulement  pour  achever  fa  conquête  des  dîmes , qui 
lui  avoit  déjà  coûté  tant  de  peines,  -mais  encore  pour 
lTétendre. 

Il  avoit  déjà  perfuadé  à ce  Prince,  que  la  dîmeétoit 
de  droit  divin,  et  qu’elle  devoit  frapper  fur  toutes  les 
productions  de  la  terre  j il  lui  perfuada  également  qu’elle 
devoit  frapper  fur  tout  ce  qui  faifoit  partiedu  com- 
merce des  hommes , et  même  fur  leur  fubftance  et  leur 
travail. 

L’on  aurait  peine  à croire  ce  fait,  s’il  n’étoit  prouvé. 
Heureufement  il  l’eft.  Il  l’eft  par  un  fécond  Capitulaire 
du  même  Prince,  de  l’an  709.  Il  porte:  ce  fimilïter , fe- 

cundùrn  Dei  mandatum,  prdtcipimus  ut  omnes  decimam 

partem  fubjlantidi  et  laboris  fui  Ecclefiis  et  fteerdotibus 
» douent , tara  nobiles  et  ingenui  militer  et  lïti. 

cc  Semblablement  nous  ordonnons,  dy apres  le  comman- 
33  dement  de  Dieu , que  tous  nos  fujets  nobles , non  no- 
s»  blés  8c  autres  payent  la  dîme  à l’Eglife  & aux  Prê- 
33  très , de  leur  fubftance  8c  de  leur  travail.  33 

Charlemagne  croyoit  donc  bien  lincèrement  que  Dieu 
avoit  donné  le  précepte  de  payer  la  dîme  à l’Eglife  8c 
à fes  Miniftres;  qu’il  avoit  donné  le  précepte  de  leur 
payer  la  dîme  , non-feulement  des  fruits  que  la  terre  pro- 
duifoit , mais  -encore  des  biens  d’un  chacun  , de  fa  fubf- 
tance & de  fon  travail. 

Il  le  croyoit.  Sur  quel  fondement  ? Rappelions  tou- 
jours les  principes.  II  le  croyoit  fur  le  fondement  que 
Saint  Auguftin  î’avoit  enfeigné  , que  Saint  Jérôme  l’avoic 
écrit,  que  les  Conciles  de  Tours  et  de  Mâcon  Pavoient 
décidé , 8c  que  les  Prêtres  de  fon  temps  le  publiaient, 

Obfervations  fur  les  Dîmes.  B 


1 8 

L’on  regardoit  donc  alors,  comme  article  de  foi,  que 
la  dîme  étoit  d’inftitution  divine. 

Quand  nous  difons  que  Ton  regardoit,  comme  article  de 
foi  , que  la  dîme  étoit  d’inftitution  divine  nous  enten- 
dons parler  de  Charlemagne  & de  ceux  qui  obéiftoienc 
à fa  loi}  car  tous  n’y  obéifloient  point  encore. 

Mais  ce  qui  accrédita  le  plus  ces  erreurs,  ce  fut  un 
événement  défaftreux,  une  famine  qui  arriva  en  794. 

Les  Miniftres  de  d’Evangile  avoient  prédit  des  maux  â 
ceux  qui  ne  payeraient  point  la  dîme } la  famine  vint  à 
propos.  Ils  ne  manquèrent  point  de  l’attribuer  à la  colère 
célefte  & on  les  crut. 

Comment  auroit  - on  pu  en  douter  raifonnabîement  ? 

Eux  &c  leurs  émiiTaires  publioient  qu’on  avoit  vu  les 
campagnes  parfemées  d’efprits  malins,  qui  voltigeoient 
comme  des  papillons  fur  les  épis  de  bled  , ôc  en  dévo- 
roient  la  fubftance(i). 

Le  cas  étoit  preftant.  Charlemagne , pour  appaifer  le 
courroux  du  ciel , donna  ce  troifième  Capitulaire  de  la 
même  année  , où  l’on  trouve  ces  termes  ft  conféquents  à 
ce  que  l’on  vient  d’annoncer  : « Qui  pofi  creberrimas  ad- 
»5  momtiones  & pr&dicationes  facerdotum  décimas  dare  ne - * 

jj  glexerint  , exccmmunicentur. 

« Que  ceux  qui , après  des  avenijfiemens  & des  prédi- 
jj  cations  fi  fiouvent  répétées  par  les  Prêtres , neglige- 
jj  roient  encore  de  payer  la  dîme , fioient  excommuniés.  j> 

Les  Conciles  d’Arles,  de  Mayence,  de  Reims  , de 
Châlons,  aftemblés  par  ordre  de  ce  Souverain,  confir- 
mèrent le  précepte  de  payer  la  dîme,  comme  précepte 
divin  , & prononcèrent  la  même  peine  d’excomunica- 
tion  contre  les  réfra&aires. 

Voilà  comme  deux  a&es  faux,  firent  faire  à la  fraude  la 
fortune  la  plus  éclatante. 


(1)  Canon  15  du  Concile  de  Francfort. 


, . }9 

Toutes  ces  décidons  étoient  bien  capables  d’allarmer 
les  confciences , & les  aliarmèrent  en  effet.  L’excommu- 
nication étoit  redoutable  alors,  & plus  redoutée  quelle 
ne  . l’eft  aujourd’hui.  Les  Seigneurs  foibles  , Ceux  qui 
étoient  dans  le  cas  de  recourir  à la  protection  de  l’E- 
glise , 1 achetèrent  par  leur  obéiffance.  L’Eglife  conquérante 
ufa  de  fa  vi&oire  avec  la  modération  qui  lied  fi  bien 
au  vainqueur-  elle  traita  avec  les  vaincus.  Ceux  qui  fe 
rendirent  les  premiers  furent  les  mieux  traités  ; ceux  qui 
tardèrent  davantage  eurent  un  fort  moins  favorable. 

Les  Seigneurs  puiffans  qui  ne  voulurent  point  fe  ren- 
dre, confervèrent  leurs  poffeilions. 

Voilà  pourquoi  la  preftation  de  la  dîme  n’eft  point 
uniforme.  Voilà  pourquoi  les  quotités  font  différentes  d’un 
canton  à l’autre , d’une  Province  à l’autre.  Voilà  pour- 
quoi la  plupart  des  domaines  des  Seigneurs  payent  moins 
que  ceux  des  particuliers.  Voilà  pourquoi  enfin  la  dîme 
ne  frappe  point  par-tout  fur  les  mêmes  produ&ions , pour- 
quoi les  prés  ôc  les  bois  en  font  communément  affranchis. 

Il  reftoit  une  difficulté  bien  capable  de  ternir  la  vic- 
toire du  Clergé.  Charlemagne , par  un  Capitulaire  de 
802  , avoit  ordonné  que,  conféquemment  au  précepte 
divin  ôc  aux  anciens  canons  de  l’Eglife,  les  dîmes  fe- 
roient  partagées  par  tiers,  en  préfence  de  témoins:  coram 
tejlibus  Jecundum  authcritatem  canonum. 

Que  le  premier  tiers  ferait  donné  à l’Eglife  du  lieu  , 
pour  fon  entretien  et  fa  décoration  , ad  ornamentum 
Ec  défia. 

Que  le  fécond  tiers  ferait  diftribué  aux  pauvres  Ôc  aux 
pèlerins , ad  ufum  pauperum  & peregrinorum. 

Et  que  le  dernier  tiers  appartiendrait  aux  prêtres  char- 
gés du  foin  des  âmes  ôc  de  i’adminiftration  des  facre- 
mens.  Sihi  metipfis  foli  facer dotes  refervent. 

Cette  loi  a déplu  au  clergé.  Le  Concile  de  Tours 
fut  affiemblé  en  313.  Charlemagne  tiroir  à fa  fin.  Que 
décida  le  Concile  ? Qu'il  avoit  bien  été  au  pouvoir  du 

B 2 


/ 


20 


prince , d’ordonner  le  payement  des  dîmes  ; mais  quil 
navoit  point  été  également  en  fon  pouvoir  d’en  ordonner 
le  partage.  Que  c’étoit  à l’évêque  feul  qu’il  appartenoit 
de  faire  ce  partage  ; & Charlemagne  ne  rélifta  point  à la 
décilion. 

Ainfi,  du  même  coup,  le  clergé  renverfa  la  loi  du 
prince  de  fon  vivant , & l’autorité  des  canons  , qui  lui 
avoient  fervi  de  guides. 

Un  autre  Concile,  tenu  à Paris  en  819,  perfectionna 
ce  que  celui  de  Tours  n’avoit  fait  qu’ébaucher. 

La  difpolition  des  dîmes  fut  entièrement  laiflee  aux 
évêques.  Ils  fe  chargèrent  de  l’entretien  des  églifes,  qui 
tombèrent  bientôt  en  ruine  j & les  pauvres,  objets  des 
préceptes  de  Jéfus-Chrift  • les  pauvres,  objets  des  libéralités 
des  fidèles } les  pauvres  furent  oubliés. 

Alors,  le  clergé  ne  balança  plus  à regarder,  comme  des 
ufurpateurs , les  laïcs , qui  avoient  eu  le  courage  de  fe 
défendre  de  l’oppreftion } qui  avoient  confervé  leurs  dîmes 
patrimoniales. 

La  raifon  d’intérêt  aétuel  n’étoit  point  celle  qui  tour- 
mentoit  puiflamment  le  clergé.  L’avenir  le  tourmentoit 
davantage.  Il  craignoit  qu’en  lai  liant  fui)  lifter  des  dîmes, 
dans  la  main  laïque,  elles  ne  donnalfent  lieu  à des  re- 
cherches ultérieures  ; qu’elles  ne  fervilfent  en  quelque  fa- 
çon de  flambeau , pour  éclairer  le  vice  d’origine  •&  cette 
crainte  n’étoit  pas  mal  fondée  : car  lî  les  dîmes  étoient  de 
droit  divin  , fi  elles  étoient  le  patrimoine  de  l’églife , 
pourquoi  s’en  trouvoit-il  dans  des  mains  étrangères  ? 

Si  les  dîmes  n’étoient  point  de  droit  divin , pourquoi 
les  Conciles  les  avoient-ils  déclaré  telles  ? Quel  étoit  le 
titre  de  leur  établiflement  ? Quel  étoit  le  titre  qui  les 
avoit  fait  pafler  prefque  toutes  dans  la  main  éccléfiafti- 
que  ? Cela  étoit  embarralfant. 

Après  bien  des  tentatives , la  plupart  inutiles , ôc  qu’il 
feroit  ennuyeux  de  rapporter , le  clergé  fit  part  de  fes 
craintes  au  pape  Alexandre  III , qui  vivait  dans  le  XIIe. 
fiècle. 


•Ce-  pape  fidèle  à l’efprit  du  corps,  envoya  fon  refont 
parrocÜnos  extra  de  decimis  14,  a 1 archevêque  de 

“ c« pf «si 

”,  " ZL  . ,d  .«»».!>« , JM , •»  ipf 

„ fini  inftitutœ , quafi  debuum  exi^pojjunt. 

{ Les  dîmes  étant  inftituées  par  Dira 
„ pat  les  hommes , le  payement  peut  en  ette  exige , comme 

” Ennconféquen2e  ce  pape  déclare  que , n°mfeuIemeM 
toutes  les  produftions  de  la  terre  doivent  la  dîme,  mais 
quelle  eft  encore  due  » de  la  maichandile > ^ 

si  militaire  , de  la  chaffe  , du  produit  de  1 mdm  ne des 
„ fruits , du  bétail , de  la  lame  , clés  étangs , des  moulins  , 

” Quoique  le  fiècle,  dans  lequel  parut  ce 

fiècle  de  l’ignorance  la  plus  profonde  , pm^ c e ft  d^ 

ce  fiècle  que  date  ce  fameux  échangé  que  ‘ j 

nard  de  la  terre  de  Signy  , contre  une  au  ne  R«e  de 

même  continence  & de  même  valeur,  dont  il  s 00 

de  fade  ouir  le  feignent  de  Châtillon  dans  le  ciel  (.)  , 

cependant^  la  décdfon  d’Alexandre  III,  parut  h extraor- 

•“X-Æ*  “ o.  r»  * »«. 

'“îÆï  a.»  a & r'f, 

toient  que  crimes,  que e^endré  Tesrichef- 
corruption  des  mœurs.  La  pieté  avo  & • ^ 

fe,  • & les  richefles  étouffoien t leur  mere.  Les  cris  du 

peuple  affermèrent  le  Concile  de  Latran , tenu  en  i *79  > 

fous  le  même  pontificat.  . , ^ ir 

La  queftion  des  dîmes  étoit  trop  mtereffante  , pour 


(i)  Voy.  le  Réformateur*  tom*  i , pag.  7*  ^ 


quelle  y fôt  oubliée.  La  difficulté  fnt  j-r 

d?lîexa"dre'me  dSëfe  jErf  X & ^e/lad édfiol 

droit  divin.6  ’ *“  ^ COnforme  aux  principe.  du 

pareenîràïe^ôuillerlës'feivne'ursdè 4T * v”  P°Urroit 

■3“^  s'oçimLoient  i coX  "!  “ 

nwft'pokTr’etLS  P pIupart’  étoient  Puiffans  ; i,s 

toutgenreXoXfol  “com~dou.  Les  abus,  en 

mal  placée  ZTo t le 17  “ C°'n  du  voik  Une  rigtéur. 

devenu  pire’  que  le  mal.  t0Ut  entler-  remède  ferait 

furie  WetquXr'dîmXX^  “ œn’f  ™t  : « 
écoient  originairement  des  dîXISfiÆnu?18"61^’ 

^3^°“  d°“  ■*  s'éwi-  -pari  dans  des 

s’écarter  deXXpr^ci^  d'une  pif  sTd  l P0™ 

pour  ne  point  effaroucher  les  feifeuT  déliX  J 

” ces  derniers  ne  pourraient  poVéder  lefdirf  ^ 

« titre  hérédinirp  c i rUllt;ciey  teldites  cnmes,  a 

- fous  peine  d exrom ™ “ ' “ aUX  ai,tres  - 

’ » fépulture  chrétienne  hlorfY  & d.etrePrlvés  de  la 
» les  rendoienr  fl Z i l'Æ,  arar  reÇ"“>  ils  « 

• il  a toSlmllhlr  tré  P,at  Ie  T”6 

nr le  x f«-  **  æ:  fe Foibie  • a a 

défc|  Sra^rX^y»^-.  à ds 
fon  h ÏSdaX  Si0f°f  P0Ur  **  ==> moif- 

de  domames  1 combien  de  dépits  lui  ^4  “ï 
Cet  empire  faifoit  alors  l'objet  de  fes  vœux  5 les  plus 


ardens.  Les  princes,  armés  contre  les  princes;  les  peres, 
contre  leurs  enfans  ; les  enfans  , contre  eurs  peres  ; 
fujets  , contre  leurs  Souverains  ; 1 Europe  en  eu,  ne  pr 
Sentant  qu’un  vafte  champ  de  fang  & de  carnag  ; , 
telle  étoit  la  route,  que  s’étoient  trace  les  fouvera 
pontifes  , ces  miniftres  d’un  dieu  de  paix,  pour  parvenir 

Déjà  Tl  s s'arrogeoient  le  droit  de  diftribuet  les  feeptres 
& les  couronnes  , lorfque  Philippe-le-Bel  parvint  a celle 

^Bonifacê  VIII , qui  fiégoit  alors  , voulut  faite  eflai  de 
fon  pouvoir  fut b moulue  François  : les  diffenr.ons 
& les  troubles , furent  femés  dans  le  royaume , pa 
émiffaites  du  faint  pontife.  C’eft  toujours  par  ou 
mencent  les  querelles  avec  la  cour  de  Rome , » Je 
caractère  impérieux  de  ce  pape  , ne  fervi  1 

fon  humiliation  plus  éclatante. 

Ceft,  dans  ce  temps,  que  Philippe  rendit  cette 

donnance,  Sage  & vigoureufe , qui  Porte  ^on  ^ ’ 

Philippine,  pour  défendre  fon  peuple  opprime,  des  v. 

tions  eccléfiaftiques. 

Voici  au’elle  en  fut  loccaiion.  . . •■l  x 

^sÿrASiss.  titrer 

cl  après  les  Conciles  d'Arles,  de  Mayence,  de  Reims  & 
de  Calons , qui  prononçoient  les  memes  peines un 
mrtie  des  feigneurs  & des  particuliers  etoient  entres  en 
Cpoftmn,  comme  on  l’a  dit , foit  relativement  aux 
quotités  de  la  dîme , foit  relativement  aux  produdions, 

fur  lefquelles  elle  devoir  frappen  , TTT  nui 

Depuis  étoit  furvenu  le  refont  dAlexandr  > q 
étendoit  la  dîme,  non  - feulement  a ^ toutes ; les  pro- 
ductions de  la  terre  , mais  encore  a la  fubftance  au 

travail.  -d  . 


la  roffeffifn  dl*  -0nClle,  de  hatran  > qui  condamaoie 
pollcjîion  des  dîmes  domaniales  ou  inféodées. 

fc  c;erge5  q111  jufqu  alors  avoit  été  iu^e  dans  fa.  nro 

Sufer  vrrr'f’  harcfvesfeigneurs  & i*U- 

lui  même  r>  -f  dTent  des  lolx’  qu’1'  s’étoit  fait  à 

de  nouvelle?  emrVprife!!8'0"5  C°“eftations> 

rendft  «tre011^”6""6  d”.a  Ces  vexations . que  Philippe 

Sri  moK°r10nnanCe  d j =>•<*  renfermoit/en 

Sannonœr  ’ ? PTn  de  a'0"'  Ce  ^ue  nous  venons 
t ” • t£  Senechallus  ad  requifitionem  confulum, 

toœmm  quorumcumque  , deffendat  ipfos  confules 

” faciend^  ’ &i  finSulos>  à novâimpofitione  fmitutis 
” T-  & aUaS  Perfonas  eeclefiartkas  , 

» ta»  a^wne  decimarnm  & primatianim  & Vrœf- 

» conCmmlll:!10  ™ ^ ^ & ha6te™s  eft 

’•  9Ue  9 fénéc^al  empêche  que  le  public  & les  nar» 

” ^71^’  ^ V"-veL/^^e 

::  z::^Yks\  **  ^ ^ — 

, bennes  » de  préfixons 

ob&?deCn0m”'  ^ rlemtgne  ’ que  le  mercenaire  ^fût 

m fravai!P  O -3,  r8'1  uf  *?  “bl"  de  fa  ^ftance  & de 
>n  travad.  Qt„l  fut  obligé  de  lui  porter,  en  offrande 

le  dixième  de  fes  peines  & de  fes  heurs. 

il  favoir  que  le  prêtre  devoir  vivre  de  l’autel  • mais 

do^pas at|ufaffl'e  Y™  ^ de  lautel>  ne  ^en- 

dihème  de  P -affeirvh-  e.  mercena're  d rectifier  le 

dixième  de  fon  pam , le  dixième  de  fon  lane 

A la  vue  d une  ordonnance  suffi  fage , d’une  ordon- 


p î!e  n°ms  des  abus  3 <lui  mettent  un  frein 

ai  k exactions  ecclefiaftiques,  le  clergé  a pouffé  les  hauts 

cris,  il  a regarde  comme  le  comble  de  l’impiété  de  l’irre- 

igion  5 qu  un  fouveram  ofât  réprimer  fes  excès.  C etoit 

im  fcandal  affreux.  Cétoit  porter  la  main  à 1 ’encenfoir! 

rS^haUn  re^lren£  de  col,te  part.  Le  pape  s’en  eft  mêlé: 
de  ouvelles  diffentions,  de  nouvaux  troubles  ont  affté 
le  royaume.  0 

, ,MaIS  Philippe confiant  dans  fes  décrets,  a fait  face 
f 1 ora?e>.q“  s eft  bientôt  diffipé;  fon  ordonnance  a reçu 
à tefnire?'01’  pr°Vifolre  * & les  ““pagnes  ont  commencé 

Ce  repos  ne  fut  nas  long.  Le  clergé  toujours  inquiet , 
toujours  plein  de  fes  intérêts,  toujours  jaloux  de  main- 
tenir fes  propres  décidons  & deteftdre  fes  conquêtes, 
n attendit  pas  la  fin  du  règne  de  Philippe,  pooPrenon-’ 
veiler  les  tioubles.  Les  campagnes  furent  moleftées  de 
nouveau , pour  raifon  des  dîmes.  Elles  furent  moleftées 
ur  le  fondement  que  les  dîmes  étant  de  droit  divin , 
comme  en  etoit  convenu  Charlemagne,  comme  l’avoient 
déclaré  les  conciles,  il  n’avoit  point  été  au  pouvoir  de 
Philippe  de  les  modifier,  de  les  reftreindre.  ? 

Après  la  mort  de  ce  prince,  les  chofes  relièrent  dam 
le  meme  état. 

Elles  y relièrent  jufqu  au  concile  de  Langres,  tenu  en 

Lors  de  ce  concile,  la  matière  des  dîmes  fut  remife 
lur  le  tapis.  Etoient-elles  de  droit  divin  ? Etoient-elles  de 
droit  pofmf?  La  queftion  fut  bientôt  réfolue.  Le  con- 
cile  décréta  qu  elles  étoient  de  droit  divin  • & Jean  Hus 
& Jerome  de  Prague , pour  avoir  ofé  foutenir  le  coh-  ‘ 
traire  au  concile  de  Conftance , tenu  vingt  ans  après, 
expirèrent  dans  les  flammes.  x 

Le  concile  de  Trente,  commencé  en  1545,  confirma 
encore  la  meme  decifion,  & l’on  devoir  croire  que  la 
irauwe  ancienne,  enfevelie  fous  les  autorités  faintes,  qui 


i6 

la  confacroient , ne  ferpit  jamais  découverte , lorfque  parut 
Me  Charles  Dumoulin;  cette  lumière  du  droit  Irançois, 

à qui  nous  avons  tânt  d obligations.  _ 

Gratien , moine  du  XIIe.  fiecle , avoit  fait  fon  ivre 
intitulé  concordanùa  difcordantium  canonum  , que  on 
appelle  de  fon  nom  , le  décret  de  Gratien. 

Dans  cette  concordance  des  canons  difcordans , le 
trouve  le  canon  décimes  66 , conf.  16 , queft.  I.  Ce  canon 
eft  appuyé  fur  le  prétendu  fermon  de  Saint  Auguttin , 

dont  nous  avons  parlé  ci-deftus.  . . 

Il  exprime  nettement  que  les  dîmes  font  de  droit  divin , 

& le  fermon  en  eft  la  preuve. 

Erafme  avoir  attaqué  ce  fermon.  Dumoulin  1 attaqua 
à fon  tour,  & l’attaqua  très-vivement  par  fa  note  fur  le 

canon.  .. 

Après  des  obfervations  analogues  a fon  lujet , il  ait  : 

» Ex  quo  luculentiiis  apparet , eos  fermones  ( de  _ Saint 
» Auguftin  ) etiam  ineptos,  ejfe  fuppofitos , ut  ibi  recte 
33  cenfuit  Erafmus. 

33  D’où  il  réfulte  encore  plus  évidemment  que  ces 
s»  fermons  , qui  en  eux-mêmes  n ont  point  le  fens 
33  mun , font  fuppofes  , comme  1 a penfé , avec  -raifon  , 

33  Erafme  >3. 

Cette  double  attaque  n’a  point  échappé  aux  lavans 
Bénédiétins,  revifeurs  des  œuvres  de  ce  père  de  leglife. 

Après  l’examen  le  plus  fcrupuleux,  ils  ont  été  forces  de 
convenir  que  la  critique  de  Dumoulin  étoit  jufte  , «Sc  ie 
motif  de  leur  détermination,  motif  qui  n admet  point 
de  réplique,  c<  c’eft  que  leglife  ne  jouifïbit  encore  d’au- 
3>  cunes  dîmes,  dans  le  fiecle  ou  vivoit  Saint  Auguftin. 

33  Ob  id  maxime , quàd  decimœ  nundum  erant  , 
33  Auguflini  œtate  > clericïs  & facerdotibus  dates  vel 
33  ajjignatcs  33. 

Ainfi , en  joignant  cette  autorité  , qui  ne  fera  point  fuf- 
pe&e,  à celle  de  Saint  Cyprien , qm  ne  peut  l’être  d’avan- 


tage ^ nous  obtenons  une  première  preuve  de  la  fraude; 
pratiquée  pour  introduire  la  dîme. 

Gratien  rapporte  encore  le  canon  68,  qui,  comme  le 
precedent,  établit  que  la  dîme  eft  de  droit  divin. 

Ce  canon  eft  appuyé  fur  la  prétendue  lettre  de  Saint 
Jérôme,  au  pape  Damafe. 

Mais,  foit  que  ce  canon  ait  ete  interpoféjpar  ce  moine, 
oit  que  Gratien  fe  foit  trompé  de  bonne  foi,  comme  on 
lui  a plus  dune  fois  reproché  de  lavoir  fait-  tous  les 
lavans  font  convenus  que  la  lettre  & le  canon  étoient 
egalement  faux ; qu’ils  étoient  faux,  par  les  raifons  ap- 
pliquées au  canon  66 , ou  fi  1 on  veut  au  prétendu  fermon 
de  Saint  Auguftin,  qui  lui  fert  de  bafej  ôc  les  correc- 
teurs romains , dont  il  n’eft  point  encore  permis  de  fe 
défier  , ont  été  forces  d en  convenir  comme  les  autres. 

Voila  donc  1 origine  de  la  fraude  entièrement  dé- 
couverte. 

Cette  fraude,  en  paroiftant , fait  difparoître  les  conciles; 
les  capitulaires  de  Charlemagne , les  refcnts  des  pontifes. 
Ce  font  autant  de  confequences  rumeufes,  d’un  principe 
abominable.  r 

Que  nous  refte-t-il  ? la  raifon  , & la  raifon  dégagée 
du  preftige.  Elle  nous  diéfe  qu  il  feroit  abfurde  de  croire 
que.  1 abus  des  chofes,  les  plus  famtes , ait  jamais  pu  de- 
venir la  fource  d’un  droit  légitime.  La  dîme  n’eft  donc 
point  un  droit  divin,  comme  on  l’a  cru  fi  long  - temps 
fur  la  foi  des  conciles. 

TROISIÈME  QUESTION. 

Ja  dîme  ejl-elle  de  droit  pojîtif , comme  on  le  croit 
depuis  2,00  ans , & comme  la  déclaré  la  Jurijprudence 
Françoife  ? 

La  folution  de  cette  grande  queftion,  nous  force  en- 
core de  recourir  aux  autorités , qm  ont  fervi  de  fondement 
à notre  jurifprudence  françoife. 


±8 

Nous  avons  vu  les  difpofitions  de  la  Philippine.  Mats 
nous  avons  vu  aiifii  les  troubles  qu’elles  avoient  occafionnés 
dans  le  royaume. 

Nous  avons  vu  le  décret  du  concile  de  Langres  contre- 
dire ces  difpofitions. 

Nous  avons  vu  le  concile  de  Trente  confirmer  celui 
de  Langres. 

Enfin , nous  avons  vu  Dumoulin  remonter  à la  fource 
de  la  fraude  , en  découvrir  une  partie  , 8c  laifier  aux 
favans  Bénédictins  le  foin  de  découvrir  l’autre. 

Le  même  Dumoulin  , par  fuite  du  combat  qu’il  avoit 
livré  à Gratien  , 8c  qu’il  lui  avoit  livré  avec  tant  de  cha- 
leur 8c  d’avantage,  ne  pût  fe  difpenfer  d’attaquer  la  dé- 
cifion  du  concile  de  Trente,  relative  aux  dîmes.  Il  l’atta-r 
qua  comme  erronnée  : il  attaqua  également  toutes  les 
autres  décidons  des  conciles  qui  avoieiit  précédés  -y  il  atta- 
qua les  refcrits,  les  décrétales  des  pontifes. 

Mais , il  n’o'fa  attaquer  les  dîmes  en  elles-mêmes.  Il 
n’ofa  foutenir  que  l’on  dût  cefler  de  les  payer  entière- 
ment. 

Au  contraire  : foit  qu’il  fût  intimidé  par  le  fupplice 
effrayant  de  Jean  Elus  8c  de  Jérôme  de  Prague  , que  les 
pères  du  concile  de  Confiance  avoient  facrifiés  à leur 
reiîentiment , contre  la  foi  d’une  parole  donnée,  foit  que 
la  fin  tragique  & plus  récente  d’Erafme,  imprimât  fur 
fon  efprit  j il  convint , d’après  la  Philippine,  que  les  dîmes 
ordinaires  étoient  dues , 8c  qu’on  11e  pouvoit  refufer  que 
le  payement  des  infolites.  C’eft  ce  qu’on  lit  dans  fes  obfer- 
vations  fur  le  chapitre  , Extra  de  decimis. 

« Non  fervantur , dit-il,  en  parlant  des  dîmes  infolites , 
95  non  fervantur  3 nifl  forte  in  locis  , ubi  papa  ejî 
3>  dominas  temporalis.  Hce  enim  ( dzcimæ  ) & perfonales 
99  funt  de  inventione  papcB , & in  Gallium  non  debentur  , 
93  nif  confuctæ  tantiim.  Undè  de  ftagms,  lignis  cæduis  , 
33  8c  aliis  de  quibus  non  eft  folitum  , nequeunt  exigi. 

33  On  n’obferve  ces  décidons  , que  dans  les  lieux  où 


*9 

» le  pape  eft  feignêur  temporel.  Car  la  dîme  des  nouveaux 
» fruirs,  & les  perfonnelles  , font  de  1 invention^  des 
>5  pontifes  j &:  en  France  , l’on  ne  peut  exiger  la  dîme, 
jî  que  des  fruits , dont  on  eft  dans  1 ufage  de  la  payer. 

55  D’où  il  fuit,  qu’on  ne  la  doit  point  des  étangs, 

55  des  bois  & autres  fruits , qui  ne  font  point  encore 

55  payés  55.  # , 

Il  eft  bien  aifé  de  s’appercevoir  que  la  crainte  d ena- 
roucher  les  efprits , dans  un  temps  ou  la  lumière  etok 
encore  fous  le  boiffeau , a retenu  Dumoulin. 

Il  n’a  levé  qu’un  coin  du  voile , la  cour  de  Rome  fe 
contenta  de  le  mettre  à l’index. 

S’il  avoir  levé  le  voile  tout-à-  fait , on  1 auroit  excom- 
munié, on  l’auroit  damné,  faute  de  pouvoir  mieux.  , ^ 
Quand  un  auteur  auffi  éclairé,  auffi  profond  que  le- 
toit  Dumoulin , fléchit  fur  une  vérité  apparente  , il  eft 
bien  rare  que  ceux  qui  viennent  apres  lui , ne  fuivent 
point  fon  exemple.  Dans  tous  les  temps  , le  nel  des 

dévots  s’eft  rendu  redoutable. 

Il  étoit  réfervé  au  fiècle  de  Louis  XVI  , au  flecie 
des  miracles^  d’opérer  le  changement  des  idées  & des 

mœurs.  _ 

M.  de  la  Faye,  avocat  général,  qui  écrivoit  apres  Du- 
moulin, fut  auffi  timide  que  lui,  dans  fon  mémoire 
contre  la  réception  du  concile  de  Trente. 

Il  met  au  nombre  des  erreurs , confacrees  par  ce  con- 
cile , celle  que  les  dîmes  font  de  droit  divin  • mais  il 
n’ofa  foutenir  que  ces  dîmes  mêmes , étoient  les  enfans 
de  la  fraude.  Voici  fes  termes  : «inveterata  confuetudo 
55  ecclefiæ  & variæ  conftitutiones  de  ea  re  promulgatæ , 
57  mtram  liberalitatem  fortajjis  , in  neceffitatem  conver- 
55  ter unt. 

57  Un  ancien  ufage  de  l’églife , & différentes  décidons 
>5  relatives , ont  converti  une  libéralité  volontaire  , peut-eti  e 
>5  dans  le  principe,  en  une  nécejfité». 

Ces  termes,  libéralité  volontaire  jpeut-étfe , annoncent 


3° 

bien  que  M.  de  la  Faye  ne  vouloit  point  rendre  en- 
tièrement à.  la  vérité , l’hommage  qu’il  lui  devoir , en 
mamfeltant  la  fraude  originelle , ou  qu’il  n en  avoit  point 
aPprofondi  le  principe. 

Figaut,  qui  parut  depuis,  8c  qui  publia  les  œuvres  de 
baint  Cyprien,  n’eût  point  les  mêmes  ménagemens,  dans 
la  note , fur  la  lettre  de  ce  père,  ad  Cler.  & Pleb.furnit. 

ou  il  compare  les  aumônes  de  fon  temps  à la  dîme  des 
J Ulfs. 

Il  dit  en  latin , ce  que  nous  rendons  textuellement  en 
irançois. 

« Les  dîmes  étoient  dues , fuivant  la  loi  de  Moyfe  : 

” mais  elles  ne  font  point  dues  , fuivant  la  loi  chré- 
” tienne. 

” Ç pourquoi,  depuis  le  temps  des  apôtres,  jufqu’à 
” j 111  Saint  Gyprien,  il  n’eft  fait  aucune  mention 
es  dîmes , parmi  les  fecours  que  fournilîoient  les 
« chrétiens  aux  miniftres  des  autels,  lelquels  fecours 
” coniiitoient  en  aumônes. 

» Ces  aumônes  commençant  à fe  refroidir,  l’on  in- 
» trodmht  les  dîmes  dans  fégiife , comme  un  acte  de 
” pie  te,  & de  religion.  (Il  tait  la  fraude). 

” ^ abord , ce  n étoit  qu’une  oblation  volontaire , un 
« lupplement  aux  aumônes  : mais  bientôt  cette  oblation 
“ dégénéra  en  une  exaction  ciuelle  ». 

Tous  les  auteurs  contemporains  (l’on  entend  ceux 
S°nî/r  P!llme  n’étoin  point  entièrement  vendue  à l’Ordre 
Lccîeiiafrique  ) , tous  ces  Auteurs  n’ont  en  qu’une  voix 
pour  reclamer  contre  1 exaction  tigourenfe  de  la  dîme 

J ïb  ?“PÏÏS„1^-même»  fur  rairick  74  des  libertés 
de  1 Egide  Gallicane , n a pu  s’empêcher  de  reconnoître 

m/TVr?IW  des  chofes  les  Plus  fûmes*  que 

1 Ordre  Ecclefiaftique  étoit  redevable  , non  feulement  des 

dîmes , mais  encore  de  la  meilleure  partie  des  biens  dont 
il  regorgeoit. 

Les  Juges  n’ont  point  été  plus  loin  que  n avaient  été 


ces  Auteurs  ; Ton  a communément  perdu  l’idée  que  les 
dîmes  fulTent  de  droit  divin,  mais  Ton  s’eft  familiarifé 
avec  celle  qu’  elles  étoient  de  droit  pofitif. 

De  temps  à autres,  & fur-tout  dans  les  temps  mal- 
heureux , le  Clergé  a cherché  à fe  relever  de  ce  qu’il 
appelloit  fes  pertes.  Nous  en  avons  un  exemple  frappant 
dans  l’Ordonnance  qu’il  a achetée  fort  cher  en  1667, 
& qui  ne  lui  fervit  en  rien , par  la  raifon  qu’aucune 
Cour  ne  voulut  l’enregiftrer , tant  elle  étoit  contradic- 
toire en  elle-même , rant  elle  etoit  oppofee  aux  princi- 
pes généralement  reçus. 

Depuis  la  matière  des  dîmes  eft  devenue  h compli- 
quée, fi  incertaine  , que  les  Cours,  ne  fachant  plus  a 
quoi  s’en  tenir , ont  été  obligées  de  demander  au  Roi , 
une  Déclaration  qui  fixât  leur  Jurifprudence.. 

Pourquoi  cet  embarras  ? Pourquoi  cette  incertitude  ? 
Parce  que , dans  la  vérité , il  n exifte  aucun  principe  , 
fi  ce  n’eft  le  principe  de  la  fraude  , & qu’il  eft  impof- 
fible  de  tirer  de  la  fraude  les  conféquences  d’un  droit 
légitime. 

Il  n’exifte  point  de  principes  en  matière  de  dîmes  ec- 
cléfiaftique ; elle  ne  peut  donc  etre  de  droit  pofitif.  Car 
un  droit  pofitif  fuppofe  un  principe  quelconque  fur  lequel 
il  eft  fondé  ; & l’on  défie  qui  que  ce  foit  de^  rappeller 
un  principe  qui  fonde  le  droit  pofitif  de  la  dîme  eccle- 
fiaftique. 

On  nous  citera  bien  les  Capitulaires  de  Charlemagne; 
on  nous  citera  bien  la  Philippine  ; mais  ces  loix  11e  font 
point  des  loix  ex  proprio  motu  des  Princes  qui  les  ont 
données  ; elles  ne  font  point  l’effet  d’une  volonté  pure 
& fimple;  elles  ne  font  que  l’effet  de  la  fraude, de  l’er- 
reur '8c  de  la  furprife. 

Charlemagne  a ordonné  le  payement  de  la  dîme,  fous 
peine  d’excommunication.  Pourquoi?  Parce  quil  la  croyoït 
de  droit  divin , comme  l’avoient  fauffemenc  déclaré  les 
Conciles. 


32 

; Philippe  i également  ordonné  îe  payement  de  la  dîme 
réduite  à l’ufage.  Pourquoi  ? Parce  que  l’ufage  étant  de 
la  payer  d’une  manière  quelconque , il  a cru  ne  pouvoir 
s’en  écarter. 

Si  le  premier  de  ces  Princes  avoit  fçu  que  la  dîme 
qu  on  lui  préfentoit,  comme  étant  de  droit  divin , n’étoit 
qu  une  fraude , en  auroit-il  ordonné  le  paiement  ex  man- 
data Dei? 

Si  le  fécond  Prince  avoit  fçu  la  même  choie , auroit- 
n ordonné  le  paiement  de  la  dîme  d’ufage , d’ulage  qui 
n’avoit  pour  principe  que  la  fraude  ? 

En  un  mot  , la  fraude  peut  - elle  être  le  principe 
d’un  droit  légitime?  r 

Lon  ne  croit  pas  que  qui  que  ce  foit  ofe  foutenir 
l’affirmative. 

Dès-lors  la  découverte  de  la  fraude  reporte  les  cho- 
fes  a leur  premier  état.  Avant  le  Concile  de  Tours,  avant 
le  Concile  de  Maçon  , les  dîmes  eccléfialiiques  ne  fub-i 
filoient  pas  j ce  font  ces  deux  Conciles  qui  les  ont  in- 
troduites , fur  un  prétexte  faux.  • 

Ceft  donc  au  temps  du  premier  de  ces  Conciles  qu’il 
faut  nous  reporter , pour  juger  du  mérite  des  dîmes. 

Or,  au  temps  du  premier  de  ces  Conciles,  il  ne 
fubliftoit  ni  droit  politif , ni  droit  divin,  qui  en  ordon- 
nât le  payement  ; il  ne  fubffile  donc  aujourd’hui  ni  droit 
pofitif,  ni  droit  divin  , qui  ordonne  ce  même  payement. 

QUATRIÈME  QUESTION. 

Si  la  dîme  etoit  de  droit  divin  dans  le  principe  3 com- 
ment a-t-elle  pu  fe  transformer  en  droit  pofitif  ? 

Cette  queftion,  quoique  bien  fimplet  n’en  eft  pas  moins 
tmbarai  fuite. 

Le  Clergé  nous  a parlé  de  prefcription.il  nousEa  pro-' 
polée  comme  la  patrone  du  genre  humain,  comme  le  re* 
pos  des  familles,  comme  un  des  principaux  liens  de  la 

ioaete. 


fociété.  Ii  a raifon  pour  ce  qui  concerne  les  matières 
temporelles. 

Mais  a-t-il  régalement  raifon  pour  ce  qui  concerne  les 
matières  fpmtuelles  ? Prefcrit-on  contre  la  loi  de  l’Etre 
fuprême  ? la  réponfe  eft  du  relïort  du  Clergé. 

Si  l’on  ne  prefcrit  pas  contre  la  loi  de  l’Etre  fuprême , 
l a dîme,  fuppofée  de  droit  divin,  n’a  jamais  pu  fe  trans- 
former en  droit  politif. 

Cependant  le  Clergé  après  avoir  foutenu  pendant  dix 
fiècles  , après  avoir  fait  prononcer  par  vingt  Conciles  , 
que  la  dîme  étoit  de  droit  divin,  fe  trouve  forcé  au- 
jourd’hui d’avouer  quelle  eft  de  droit  pofiuif.  Le  Clergé 
avoue  donc  que  les  Conciles  nous  ont  trompés,  8c  en  avouant 
que  les  Conciles  nous  ont  trompés , ils  avouent  que  la 
dîme  n’eft  ni  de  droit  divin  , ni  de  droit  pofitif,  s’il 
eft  vrai  que  ce  qui  eft  de  droit  divin  ne  peut  jamais 
cefler  de  l’être,  pourfe  transformer  en  droit  pofitif.  Voila 
comme  le  Clergé , en  voulant  éviter  un  écueil , s’eft  brifé 
contre  un  autre. 

CINQUIÈME  QUESTION. 

Si  la  f. lime  eft  de  droit  pofitif \ comment  les  anciens 
Conciles  ont-ils  pu  la  déclarer  de  droit  divin? 

Cette  queftion  n’eft  pas  moins  infolubie  que  la  précé- 
dente dont  elle  eft  l’inverfe.  Il  eft  certain  que  h une 
loi  divine  ne  peut  dégénérer  en  une  loi  fmple  8c  pofi- 
tive , de  même  une  loi  fimple  8c  pofitive  ne  peut  s’élever 
à la  qualité  de  loi  divine.  Nous  l’avons  déjà  dit  : on  ne 
peut  changer  la  nature  des  chofes. 

Ainfi  la  déclaration  des  anciens  Conciles  , que  la  dîme 
eft  de  droit  divin,  & la  reconnoiflance  aéfuelle  du  Cler- 
gé, quelle  n’eft  que  de  droit  pofitif,  prouvent  quelle 
n’eft  ni  de  l’un  ni  de  l’autre  droit.  La  reconnoiftance du 
Clergé  prouve  que  les  Conciles  fe  font  trompés  , ou  nous 
©nt  trompés.  La  déclaration  des  anciens  Conciles  prouve 
Obfaryations  fur  les  dîmes , C 


que  le  Clergé  â&uel  fe  trompe,  ou  veut  nous  tromper.  C’eft 
parmi  ces  deux  extrêmes  qu’il  faut  choifir  j ôc  fi  Ion  veut 
éviter  l’embarras  du  choix,  l’on  admetra  l’un  ôc  l’autre. 

Ceci  pofé , combien  ne  doivent-ils  pas  paroître  indé- 
cens , ces  cris,  ces  clameurs  dont  le  Clergé  ne  cefie  d’im- 
portuner le  public  , qu'il  ejl  fous  le  joug  de  la  vexation  ’ 
qu’on  le  dépouilje  , qu  on  ne  refpecte  ni  le  facré  , ni  le 
profane  , que  fon  veut  fubvertir  la  religion  ; que  Von 
veut  anéantir  le  culte. 

Eft  - ce  vexér  le  Clergé  , que  d’arrêter  le  cours  de  la 
fraude?  Eft-ce  le  dépouiller  injuftement,  que  d’affranchir 
les  peuples  des  effets  ultérieurs  de  cette  fraude?  Eft-ce 
ne  refjxéler,  ni  le  facré,  ni  le  profane  , que  de  mettre 
les  abus  à découvert  ? Eft-ce  que  c’eft  fubvertir  la  Reli- 
gion , que  l’épurer  ? Eft-ce  anéantir  le  culte , que  le 
rendre  plus  refpe&able  ? Hélas  ! fi  le  culte  avoit  pu  être 
anéanti , fi  la  Religion  avoit  été  pofée  fur  des  fonde  mens 
moins  Inébranlables , fubfifteroit-elle  encore  aujourd’hui  ? 

L’Affemblée  Nationale  a décrété,  dans  fa  fageffe  , la 
fuppreffipn  des  dîmes,  de  cette  fervitude  odieufe,  de  cet 
ancien  fléau  qui  ne  défoloit  les  Provinces  que  depuis 
trop  long -temps. 

En  cela , l’Àffemblée  Nationale  a rendu  à la  culture 
le  fervice  le  plus  effentiel  qu’il  fut  en  fa  puiffance  de 
lui  rendre. 

Mais  en  défrétant  que  la  perception  de  la  dîme  cef- 
feroitj  l’Affemblée  Nationale  s’eft  réfervée  de  pourvoir 
à la  fubfiftancè  des  Miniftres  des  autels,  ôc  à l’entretien 
du  culte.  Pourquoi  ? parce  que  la  fubfiftancè  des  Miniftres 
de  l’autel, & l’entretien  du  culte,  font  à la  charge  de  l’Etat. 

Sous  ce  point  de  vue , peu  importe  aux  Miniftres  ôc 
a l’entretien  du  culte,  que  les  dîmes  deftinées  à remplit 
ce  double  objet,  aient  ou  non  la  fraude  pour  principe  : 
la  fubfiftancè  des  Miniftres  ôc  l’entretien  du  culte , étant 
de  droit  public,  l’Etat  doit  y fournir  - cela  neft  point 
fufceptible  de  difficulté. 

Mais  l’Etat  ne  doit  fournir  qu’à  la  fubfiftancè  des  Mi- 


rnftres  & à l'entretien  du  culte.  Qui  font  les  Miniftres 
les  Archevêques  6c  les  Evêques,  les  Curés,  les  Vicaires 
6c  autres  deffervans. 

En  quoi  confifte  l’entretien  du  culte  ? Il  confifbe  dans 
ce  qui  lui  eft  relatif,  tels  que  les  vafes  facrés,  les  linges, 
les  livres,  3cc. 

L’Etat  doit  donc  affigner  aux  Archevêques  6c  Evêques; 
aux  Curés,  Vicaires  6c  autres  deffervans,  des  revenus 
qui  piiiffent-  les  faire  fubftfter  avec  décence. 

L’Etat  doit  également  affigner  d’autres  revenus  pour 
l’entretien  des  vafes  facrés  , des  linges,  des  livres,  6c 
autres  objets  néceffiaires  au  culte. 

En  rempliffimt  cette  double  tâche,  l’Etat  eft  quitte  de 
fa  dette , & perfonne  d’ailleurs  n’eft  recevable  à fe  plaindre; 
car  ni  l’Abbé,  ni  le  Religieux,  6c  autres  qui  ne  font 
point  nommément  chargés  du  culte  public , n’entrent 
point  dans  la  claffie  des  Miniftres  à qui  1 Etat  doit  la 
fubfiffance  ; ils  n’ont  donc  aucune  indemnité  à prétendre 
pour  raifon  de  la  fuppreffion  des  dîmes. 

Si  cette  fuppreffion  donnoit  ouverture  à une  indem- 
nité quelconque  en  leur  faveur  , cette  indemnité  feroit  la 
récompenfe  de  la  fraude,  6c  la  proportion  eft  trop  im- 
morale pour  que  l’on  doive  craindre  de  la  voir  hafarder. 

La  découverte  de  cette  fraude  opérera  donc  un  effet 
bien  confëquent  pour  l’Etat,,  l’effet  de  l’affranchir  de 
toute  efpèce  d’indemnité  envers  les  bouches  inutiles  6c 
ces  bouches  inutiles  compofent  au  moins  la  moitié , pour 
ne  pas  dire  les  deux  tiers,  des  décimatetirs. 

Ce  n’eft  point  que  nous  prétendions  que  ces  bouches 
quoiqu’inutiles , doivent  être  traitées  comme  les  abeilles 
traitent  les  frêlons  ; qu’elles  doivent  être  chaffees  de  la 
ruche,  6c  expofées  â mourir  de  faim.  Non,  ces  bouches 
inutiles  font  des  Citoyens,  & comme  Citoyens  l’Etat  leur 
doit  les  mêmes  foins,  les  mêmes  attentions,  les  mêmes 
fecours , la  même  tendrelle  qu’un  père  doit  a fes  enfans. 

Mais  ff  ces  enfans  ont  d’ailleurs  de  quoi  vivre , il  ne 

C i 


3.f 

leur  eft  dû  aucune  indemnité  pour  raifon  de  la  fuppref- 
lon  des  dîmes.  Voilà  ce  que  nous  prétendons. 

Dans  le  cas  où  ils  n ’auroient  point  d’ailleurs  de  quoi 
vivre , il  faut  que  l’Etat  y fupplée  ; cela  elfc  jufte , & nous 
conduit  à l’application  également  jufte  de  la  loi  que  s’eft 
faite  l’Aftemblée  Nationale,  parfon  décret  de  fuppreftion. 

Refte  à examiner  ft  le  fiftême  que  propofe  M.  du  Pont 
eft  admifiîble. 

Les  fentimens  de  l’Aftemblée  Nationale  fe  font  trop 
bien  manifeftés  dans  le  cours  de  cette  féance,  pour  que 
je  ne  regardafte  point  comme  un  crime , de  fuppofer 
qu’elle  voulût  commettre  une  injuftice  en  connoifiànce 
de  caufe. 

Cependant  nous  penfons  que  c’en  feroit  une  qu’elle 
commettroit,  fi,  d’après  les  difcuftions  auxquelles  nous 
venons  de  nous  livrer,  elle  adoptoit  le  confeil  de  l’hono- 
rable Membre  , 8c  condamnoit  le  cultivateur  à rembourfer 
à l’Etat  le  prix  des  dîmes,  fur  le  pied  de  la  valeur  habi- 
tuelle des  biens. 

Les  campagnes  ont  aftez  gémi , 8c  ne  gémiftent  que 
depuis  trop  long-temps,  fous  le  joug  impérieux  8c  def- 
potique  de  la  main-morte. 

Si  ce  joug  étoit  légitime,  la  raifon  du  bien  public 
exigerait  qu’on  les  en  affranchît  d’une  manière  quelcon- 
que. Comment  ne  les  en  affranchiroit-on  pas  , lorfqu’il 
eft  démontré  qu’il  n’a  pour  bafe  que  la  fraude  la  plus 
révoltante?  Eft-ce  que  les  campagnes  doivent  le  prix  de 
la  dîme,  fi  la  dîme  elle-même  n’eft  point  due?  doivent- 
elles  le  prix  de  leur  affranchiftement , fi  la  fervitude  étoit 
inj  lifte  ? 

Le  piège  qui  enlaçoit  le  cultivateur,  8c  que  couvroît 
de  fon  ombre  une  Religion  fainte , eft  rompu  ; le  cul- 
tivateur recouvre  fa  liberté } il  rentre  dans  la  plénitude 
de  fes  droits. 

Que  doit-il  à l’Aftemblée  Nationale,  qui  lui  a procuré 
le  bienfait  ? il  lui  doit  l’hommage  d’un  coeur  pénétré'  de 
reconnoiflance. 


C’efl  auffi  le  tribut  qu’il  fe  plaît  à rendre  à fo»  ^meur. 
chaînes*  évidemment'inj^ftês';  Semblée  Nationale  en 

n’èft  certainement  point  dans  l’intention  de  PAf- 

femblée  Nationale;  & cependant  06  qU‘ 

fi  l’on  fuivoit  le  confiai  de  M.  du  Pont. 

En  effet , fi  le  cultivateur  paye  la  dîme  au  tien  - , 

»,  nny,n  ie  force  à la  rembourfer  au  denier  }o , 3; 

* to  félon  que  la  valeur  des  biens  s’élèvera  plus  ou 
moins  haut  dans  les  cantous,  n’eft-il  pas  feniib  e que 
tembourfement  lui  fera  du  tiers  ou  de  morne  plus 

charge  Que  n etoit  la  charge  ni-rne  . ..  r 

,0  ]5ans  l’hypothèfe  de  ce  rembourfement , il  en 
fui  eroit  une  au?e  injuftiee  bien  palpable.  A qui  ce  rem- 
boSent  ferort-il  fart  ? à PEtf  E-quor  ç* 1 adet 
PF  rat  à fubvenir  à la  dépenfe  du  culte  & a 1 entretien 
des  Miniftres  de  l’autel.  Mais  fi  le  rembourfement  n- 

SS  £V* 

J Si  l’on  fuppofe  que  le  rembourfement  ne  fera  E°'“ 
forcé  l’un  rembourfera,  l’autre  ne  rembourfera  pas.  Co 
ment'  réglera-t-on  les  importions  ? Exigera  t-on 
^’mS  ooint  remboursé  le  fupplément  d’rmpot  1 m- 


de  la  fraude.  01  on  l’exige  du  lecomr . 0..  - P“nic, 

rembourfé  ; on  le  punit  e s etre  ac"  | . par-tout 
<°.  La  quotité  de  la  dune  neitpomt  ega  1 
dans  e même  territoire,  les  uns  la  payent  au  o fau- 
nes au  ub,  d’autres  au  15e-,»  io‘..  au  50  .,  &.  jul 

qlcômSme„t  fe  réglera  le  mmbourfenent  ? Ceux  J» 
paient  au  dixième  , tembourfetont-ris  fur  ce  pred , 


‘lue  *eur?  vol,lns  ne  rembourferont  que  fur  le  pied  du 
cinquantième.  Dans  l’impôt  qui  fuccédera,  prendra-t-on 
- P lis  ou  le  Moins  en  conlîdération  ? 

6°  La  dîme  ne  frappe  point  fur  tous  les  fruits.  Les 

foin-’  f!  pl'esffl  6 a 1°'Tnt  Pas  communément.  Les  fain- 
. /’  les  t.refflfs-’  lesJItlzernes . les  colfats , le  chanvre, 

f:anrl T 1 ,'?olvent  dans  des  cantons  I & en  font  af- 
f and., s dans  d autres.  L un  dont  la  tette  rapporte  du 

L e , rembourfera-t-d  la  dîme  fur  le  pied  du  'dixième  , 

tandis  que  fon  voifin  dont  la  terre  fera  en  bois , en  prés, 

en  Won,  treffle  ou  luzerne,  n’aura  rien  à rembourfer? 

„ 111  ,donc  la  cerce  rapporte  des  fruits,  juge  à 

propos  de  la  charger  en  fruits  „an  décimables  fera  - u il 

a nanem  du  rembourfement , ou  fera-t-il  affranchi,  pour 

^ quart  d heure  feulement,  ou  pour  toujours?  Quelle 

r la  proportion,  fl  Ion  veut  conferver  la  îuftice  ? et  fî 

on  ne  regarde  point  de  proportion,  y aura-t-il  de  kîufHce  ? 

y a apparence  que  1 honorable  Membre  qui  a erré 

ur  ks  punapes  de  la  dime,  n’a  point  fuffifamment  ré- 

v^'f  l5j|  “"^ncnc",  de  fon  fyftême.  Mille  incon- 

-uuns,  m.  le  difficultés  plus  inextricables  les  unes  que 

' r r; ,i  a • attendrolent  à l’exécution,  & le  fruit  que  l'on 
rau  roit  d une.  tentative  injufte  , feroit  de  porter  le  feu 
la  flamme  ou  1 Affiemblée  Nationale  n’a  voulu  por- 
qi.e  le  foulagement  & la  douceur. 

Acesconfidératious  frpuiirantespar  elles-mêmes,  j’en 
L X:  a(ïtte  bl61l  Pltls  pmiTante  encore.  L’entretien  des 

pa-  s’se  ur>c  charge  de  l’Etat.  Tous  les  citoyens  de 

les  irmS^  'ien“ice  at’x  privilèges;  tous  ont  reconnu  que 
es  impôts  dev oient  etre  fupportés  également.  4 

Eoiuquot  donc  l’entretien  des  Miniftres  & du  culte 
Zi' > P !a  char?e  des  campagnes  feules  & des  cultï- 
roimrdi  fOUrr3uof  parmi  ces  cultivateurs , les  uns  fe- 
, V S eues  olis  le  poids  de  la  dette  commune, 

écr^  <3“e  jau“?  " en  Rprrcrcicnr  rien  ? Le  cultivateur 
cr...L,  prend-il  plus  que  fa  part  du  fetvice  divin  ? Prend- 

* P‘a$  <PJe  6 part  dans  l’adminifttarion  des  factemeas? 


S’il  ne  prend  que  fa  part  du  bénéfice  , il  ne  doit  que 
fa  part  de  la  charge  : cela  eft  évident. 

Dans  tout  ce  que  nous  avons  vu  fur  cette  ma- 
tière , nous  n’avons  trouvé  que  deux  objeélions  qui  font 
fi  foibles  , qu’à  peine  méritent-elles  qu’on  les  réfute. 

La  première  confifte  à dire  que  les  riches  propriétaires 
feuls  profiteront  de  lafupprefîion  cies  dîmes , & que  cela 
h’eft  point  jufte. 

Cela  n’eft  point  jufte! C’eft  bientôt  dit.  Mais  pour- 

quoi cela  n’eft-il  point  jufte? 

' Si  les  riches  propriétaires , ou  ceux  quiîs  reprsftntent 
ont  été  trompés,  pourquoi  ne  profiteroient-ils  point  feuls 
de  la  découverte  de  la  fraude , dont  ils  font  depuis  n 
long-temps  les  viéfimes?  Fera-t-on  participer  au  bénéfice. 
Ceux  qui  n’ont  point  fouffert  de  cette  fiaude 

Ce  n’eft  point  que  tous  les  propriétaires  qui  profite- 
ïontde  la fuppreiîion  de  la  dîme,  loient  riches  , comme 
on  le  fuppofe.il  s’en  faut  même  de  beaucoup , car  il  y 
èn  a plus  de  malheureux  que  de  riches. 

Mais  l’on  veut  qu'ils  foienc  tous  riches:  ne  fupportent- 
ils  point  les  charges  en  proportion  de  leurs  richefles  ? S^ils 
Supportent  les  charges  en  proportion  des  richeiîes  quhls 
ont  ? comment  peut-on  taifonnabiement  vouloir  qu  iis  ns 
profitent  pas  des  bénéfices,  en  proportionde  leurs  charges? 

S’ils  nen  profitoient  pas,  qui  en  profiterait  donc  ? Les  * 
pauvres  qu’ils  nourrifient , qui  n ont  rien  , qui  ne  up- 
portenr  aucune  charge,  qui  ne  fouftrent  point  de  la  iraude 

Mais  la  propofition  nJeft-elle  point  abfurde  ? N eft  - il 
point  abfurde  de  penfer  que  la  füppfeffion  de  la  dîme 
doive  vertir  au  profit  de  ceux  qui  n en  paient  point , lori- 
qufil  eft  démontré  que  ceux  qui  la  pay oient  , la  payoïenî 
injuftement?  LJon  donnerait  le  bénéfice  de  la  fupprefiion 
aux  pauvres,  & les  riches  payeraient  les  impôts , comme 
s'ils  en  avoient  profité.  F oila  ce  qu  on  appelle  de  la 
juftice j & nous , nous  ne  craignons  pas  de  dire  que  ce 
ferait  le  comble  de  Linjuftice. 

La  fécondé  objection  confifte  à prétendre  que  ceux  qui 


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ont  acheté  des  biens  fournis  à la  dîme,  les  ont  achetés 
conféquemment  à cette  charge  ,&  qu'ils  ne  doivent  point 
profiter  de  l'exemption. 

Ici  , Ton  fuppoîe  la  dîme,  foit  de  droit  divin , foit  de 
droit  pofitif,  & elle  n’eft  ni  l’un  ni  l’autre  j la  fuppofition 
eft  donc  fauire. 

Quand  la  dîme  feroit  de  droit  pofitif,  l'objection  ne 
fe  trouverait  pas  mieux  réfléchie.  Pourquoi  ? Parce  que  , 
dans  ce  cas  , ce  ne  feroit  point  la  terre  qui  devrait  la 
dîme , mais  le  fruit. 

Or , par  la  même  raifon  qu’un  propriétaire  peut  faire 
de  fa  chofe  ce  que  bon  lui  femble  , qu’il  peut  fubftituer 
des  fruits  non  décimables  à ceux  qui  font  décimables , ÔC 
par  ce  moyen  s’affranchir  de  la  dîme , par  la  même  rai- 
îon  auflî  il  ne  doit  aucune  récompenfe  d’une  fuppreflîon  de 
cette  même  dîme,  qu’il  éuoit  en  ion  pouvoir  de  le  procurer. 

A qui  voudroit-on  d’ailleurs  que  cette  récompenfe  fût 
due  ? Au  vendeur  fans  doute.  Mais  lui-même  la  devrait 
au  vendeur  plus  ancien,  & de  vendeur  en  vendeur,  l’on 
irait  fe  perdre  dans  la  nuit  des  temps,  fans  être  plus  avancé. 

Ma  motion  eft  que  la  fuppreflîon  de  la  dîme  foit  dé- 
clarée pure  8c  fimple  : que  la  charge  de  pourvoir  à la 
fubfiftance  des  Miniftres  feuls  & à l’entretien  du  culte, 
foit  déclarée , comme  elle  l’eft  , charge  de  l’Etat,,  8c  que 
* * l’impofition  à faire  en  confëquence  frappe  fur  tous  les 
biens  de  l’Etat , indiftinélement , autres  néanmoins  que 
ceux  que  l’on  pourrait  accorder  auxdits  Miniftres  pou» 
les  remplir  de  leurs  penfions , fi  lAflemblée  Nationale 
jugeoit  à propos  de  prendre  ce  parti , fauf  à régler  le 
fort  des  fabriques.  Hôpitaux  & autres  établiflemens  de 
cette  nature , que  la  fuppreflîon  des  dîmes  priverait  d’un 
revenu  nécefTaire  à l’acquit  de  leurs  charges. 

Signe j,  Millon  de  Montherlant  , Député  de  Beauvais. 


A PARIS , DE  L’IMPRIMERIE  NATIONALE.